Pour une coopération renforcée en méditerranée occidentale - Le dialogue des « 5+5 » face aux défis de la sous-région

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La récente rencontre des pays du Dialogue des «5+5» de la Méditerranée occidentale, à Alger, a abordé, non seulement, les questions économiques et sociales, mais aussi les questions liées aux crises qui secouent actuellement la sous-région, ébranlée par le terrorisme et l’immigration illégale.

La réunion d’Alger, qui avait pour thème «Méditerranée occidentale : promouvoir un développement économique et social inclusif, partagé et durable face aux défis communs de la région», a reçu les dix ministres des Affaires étrangères des pays concernés présents au grand complet. Cette conférence augure d’une vision nouvelle pour le devenir de la Méditerranée, une zone à promouvoir par le développement durable dans le cadre d’une coopération exemplaire.

La Méditerranée, qui fut jadis le creuset de plusieurs civilisations, était une référence essentielle dans l’histoire du monde grâce à la richesse et à la spécificité de ses cultures. Elle fut aussi un haut lieu de fécondité des civilisations qui ont vu naître et s’épanouir sur ses rives les trois grandes religions monothéistes. Mais cette mer presque fermée est devenue une zone de confrontation et un carrefour d’échanges importants.

Que d’affrontements et d’hostilités s’y sont déroulés sur cet espace, marquant ainsi la mémoire des peuples de la région qui se souviennent plus volontiers des hauts faits de guerre que des échanges de richesses culturelles et scientifiques qui constituent l’immense fortune de la Méditerranée dont le rayonnement a été très intense durant de nombreux siècles. Aujourd’hui, les riverains de cette «mer intérieure» ou «mer au milieu des terres», selon les appellations des uns et des autres, aspirent au développement, à la stabilité et à la paix.

C’est pourquoi les pays du pourtour de la Méditerranée dans sa partie occidentale ont pris l’initiative de se concerter et d’agir ensemble pour le bien commun. Ainsi, penser l’espace méditerranéen, c’est aussi réfléchir à l’agencement de ces différentes échelles dans les stratégies collectives et individuelles, dans les dynamiques générales. Autrement dit, penser l’espace méditerranéen dans sa totalité, dans sa complexité, dans ses ouvertures, penser pour chaque période, tous les enjeux et les multiples opportunités dont il est porteur pour «bâtir une Méditerranée au destin commun», comme l’ont si bien souligné les pays participants à la conférence d’Alger. La Méditerranée peut devenir en effet un espace de complémentarité et d’enrichissement mutuel, et non d’antagonisme et de confrontation.

La volonté de travailler ensemble s’est déjà exprimée à travers les différentes réunions du groupe dont les discussions engagées par les parties se sont soldées par une déclaration commune annonçant l’élaboration de programme d’action et l’institution d’un mécanisme de concertation et de dialogue élevé, en traitant des questions de sécurité et de stabilité, d’intégration économique régionale et d’immigration. Il faut noter, toutefois, qu’au fil du temps, l’initiative des «5+5», qui a été instituée en 1990, a connu une période de gel de dix ans à la suite de la guerre du Golfe de 1991, et que la relance ne s’est faite qu’en 2001.

Cela n’a pas empêché de reprendre les activités prévues par la structure qui a multiplié les réunions dans lesquelles sont traités des thèmes relevant de plusieurs secteurs et intéressant les ministères de l’Intérieur, ceux des Transports et de la Défense nationale. Des questions plus concrètes sont abordées, comme le terrorisme, l’immigration, l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche scientifique, le tourisme, l’eau, l’environnement et les énergies renouvelables.

Le processus des «5+5» en tant que structure informelle permet aux Etats membres de mener une réflexion libre et adaptée à la spécificité géographique de la sous-région qui regroupe les pays du bassin occidental de la Méditerranée, ceux de l’arc latin : la France, l’Espagne, le Portugal, l’Italie et Malte ; et ceux de l’Union du Maghreb arabe : l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie.

Ce forum constitue en fait une enceinte appropriée pour engager des actions concrètes de coopération précises et ciblées. Les travaux des experts réunis dans divers groupes de travail montrent que la spécificité d’une coopération sous-régionale a bien été prise en compte.

En somme, les «5+5» mènent jusqu’à présent un dialogue serein dans plusieurs domaines d’interaction qui formulent l’espoir que les prochaines rencontres du dialogue, à l’instar de celui qui vient d’avoir lieu à Alger, donneront certainement un nouvel élan au processus d’intégration euro-méditerranéen. La déclaration d’Alger, qui a inscrit plusieurs thématiques à son ordre du jour, souligne en effet «le rôle fédérateur du dialogue «5+5» et sa pertinence en tant que cadre informel, souple flexible et de partenariat entre les deux rives de la Méditerranée occidentale au service de la sécurité, de la paix, de la stabilité et du développement économique et social durable et partagé dans la région.»

Dans cette perspective, un partenariat adéquat serait susceptible de faire face à l’instabilité de la sous-région en proie à des crises incessantes et à des troubles majeurs. La question de l’immigration par exemple est devenue un véritable problème pour les deux rives dans la mesure où les flux migratoires ne cessent d’augmenter, engendrant une véritable tragédie humaine si bien que la Méditerranée est devenue un cimetière pour de nombreux migrants qui meurent noyés en mer. D’autres sources indiquent des chiffres beaucoup plus alarmants qui invitent rapidement à prendre en compte cette question complexe en vue de lui trouver des solutions adéquates dans un cadre légal pour la prise en charge des migrants irréguliers en attendant les décisions que prendront les autorités publiques quant à leur statut.

En effet, vue d’Europe, la migration est perçue comme une menace qui semble venir du péril démographique avec des flux importants dans le sens sud-nord, et se trouve ainsi au centre des débats des «5+5» qui ont convenu d’initier des programmes en faveur des jeunes dans plusieurs domaines afin de contenir leurs flux incessants. C’est ainsi qu’il sera possible de cogérer ensemble les ressources humaines en posant le problème en termes de respect des droits de l’homme, de co-développement et d’enrichissement mutuel pour mieux servir les desseins de la communauté méditerranéenne.

Les griefs formulés de part et d’autre ne sont pas des moindres, et la double interpellation que se jettent par-dessus la Méditerranée les pays des deux rives devra se dissiper par l’instauration d’un climat de confiance mutuelle pour faire de la Méditerranée, non pas une zone de fracture, mais une nouvelle frontière au bénéfice des peuples de la région. Il serait illusoire de vouloir construire l’espace méditerranéen sans tenir compte des perceptions et des différences de tout un chacun. Nous sommes aujourd’hui dans une période de mutation et de transition qui requiert des forces vives des pays du pourtour de la Méditerranée, sagesse et compréhension, confiance et courage, volonté et engagement pour consolider les structures du dialogue en créant les réseaux nécessaires au développement de l’ensemble de la sous-région dans l’intérêt de tous.

Cette évidence fonde et conforte la nécessité d’introduire une nouvelle approche de coopération dont la vocation serait le rapprochement durable des peuples de la Méditerranée, car dans cette zone de confrontation on ne peut sous-estimer la question de la coexistence des populations ayant chacune une histoire et des cultures diverses. C’est sur ces valeurs fondamentales que le dialogue devra reposer, comme l’a si bien souligné le ministre algérien des Affaires étrangères lors de la conférence d’Alger, de voir la Méditerranée «retrouver sa vocation de creuset civilisationnel et humain devant constituer le socle pour bâtir une communauté méditerranéenne au destin commun».

Ceci pour éviter ce que certains avaient prédit en évoquant un «choc des civilisations», estimant par là que les prochains conflits qui détermineront le monde seront d’ordre culturel. Selon cette hypothèse, la Méditerranée, génitrice de cultures et de civilisations millénaires, ne serait-elle pas le lieu indiqué de la confrontation ? Il est dès lors de notre responsabilité à tous, peuples du Sud et du Nord, de garder à l’esprit cette éventualité pour épargner à la Méditerranée un destin tragique.

Les «5+5», en se réunissant à Alger, ont entamé un dialogue fécond à la mesure des défis et des problèmes qui nuisent à la région, car la Méditerranée demeure un foyer de tensions et de crises qui la rendent extrêmement vulnérable et potentiellement explosive. Seul le renforcement de la paix et de la sécurité, suivi d’un développement économique durable apparaissent aujourd’hui comme une option stratégique majeure dans laquelle devraient s’engager les pays méditerranéens en saisissant l’opportunité de procéder à de profonds changements dans notre région pour un avenir meilleur.

Par Azzouz Kerdoun (Professeur des universités ; membre du Conseil national des droits de l’homme ; membre expert auprès du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies ) 

Source de l'article ElWatan

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