Le rôle de la Royale en Méditerranée

«La marine française est la seule marine européenne réellement présente et crédible en Méditerranée, car en mesure d’agir sur l’ensemble du spectre des missions». 


C’est ce que soulignent les députés Jean-David Ciot et Alain Marleix dans un rapport d’information publié récemment. En effet, «quelles sont, à l’heure actuelle, les “vraies” marines en Europe, capables matériellement et prêtes “psychologiquement” à mener tout type de missions et d’opérations, y compris de haut du spectre ?» Une question d’actualité alors que la crise migratoire bat son plein et que la marine russe a fait son grand retour dans la région.

Mais être une marine capable signifie l’alliance de moyens et d’une volonté politique de jouer un rôle stratégique. Sur ce point, les rapporteurs évoquent au passage la marine britannique, qui «reste une grande marine mais fait face à des défis et des blocages majeurs, tant en termes de ressources humaines qu’en termes capacitaires (…) et dont la Méditerranée ne constitue plus une zone d’intérêt prioritaire». Les Allemands manquent, eux, d’ambition stratégique, alors que la marine italienne s’est «démilitarisée» pour ne mener «quasi exclusivement que des opérations de garde-côtes» et a «perdu des compétences critiques dans certains domaines essentiels, comme la lutte ASM».

«Lieu de rencontre, de croisement, voire d’affrontement des principales puissances économiques et militaires, même lointaines», la Méditerranée est aussi un enjeu au cœur de ce que sera la nouvelle politique de sécurité américaine : quel rôle y jouera l’US Navy alors que l’administration Trump a fait savoir qu’il fallait que ses alliés régionaux prennent en main leur sécurité ?

Pour la Marine nationale, la façade méditerranéenne, autour du port de Toulon, constitue le point d’ancrage principal de la flotte, avec 35 % de ses bâtiments de surface et sous-marins et 14% de ses aéronefs. En 2015, 26% des jours de mer des unités de la force d’action navale, 54% des jours de mer des SNA et 23% des heures de vol des aéronefs de la flotte ont été réalisés en Méditerranée. Le rapport analyse dans le détail ces missions et leur évolution, notamment l’action de l’Etat en mer (AEM), à laquelle la Marine consacre le quart de son activité, et son pendant militaire, la défense maritime du territoire (DMT), dans le contexte terroriste tendu post-Bataclan.

Il dresse aussi une évaluation critique de l’opération européenne Sophia de lutte contre l’immigration clandestine, qui remplit sa mission humanitaire «mais pas le volet militaro-policier pour lequel elle a été mise en place». Notamment en cause : l’impossibilité d’opérer dans les eaux territoriales libyennes. Outil unique en Europe, la Marine nationale est donc logiquement devenue «la première alliée de la marine américaine, ce qui témoigne notamment de sa crédibilité opérationnelle».

Les rapporteurs insistent cependant sur le maintien et le renforcement des capacités françaises de lutte ASM et sur le règlement des enjeux liés à la gestion des ressources humaines. Mais cette spécificité de la Royale peut aussi être un frein à davantage de coopération avec nos partenaires européens : écarts dans la nature et la qualité des forces disponibles, modalités politiques d’engagement différentes et dépendance excessive de la Royal Navy vis-à-vis des Etats-Unis sont quelques uns des obstacles à une intégration accrue des capacités.

Dans ce contexte, les rapporteurs estiment «qu’il est impératif que l’UE tienne enfin compte des efforts que la France est souvent bien seule à assumer pour assurer la sécurité non seulement des Français, mais de l’ensemble du continent européen et de ses citoyens». Ce qui pourrait notamment passer par une «neutralisation, au moins temporaire, d’une partie des dépenses de défense pour le calcul des règles de déficit excessif imposées par le Pacte de stabilité et de croissance».

Source de l'article TTU

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