Une réflexion sur le droit des minorités dans les deux rives de l'espace méditerranéen

Ce papier se veut être une réflexion que nous voulons partager avec vous, sur l'Union pour la méditerranée, les nouveaux défis et les perspectives d'avenir, notamment sur la protection des droits de l'Homme dans l'Union pour la méditerranée à partir de la "Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques" des Nations-Unies.
GENERAL ASSEMBLY UNITED NATIONS
Les droits de l'Homme font partie des défis à relever de l'UPM en terme de droits culturels où il faut redéfinir les limites des minorités et des populations majoritaires.
La discrimination faite à l'Homme pour des raisons liées à son origine raciale ou culturelle peut prendre comme l'indique le HREA, Human Rights Education Associates (HREA) -une organisation non-gouvernementale internationale dédiée à l'éducation aux droits de l'Homme- "des formes de la plus brutale et institutionnelle - le génocide et l'apartheid, jusqu'aux formes plus nuancées où certains groupes raciaux et ethniques ne jouissent pas des mêmes droits civils et autres des populations". (Conflits ethniques, guerres civiles l'ex-Yougoslavie, l'Afrique et plus spécifiquement la région des grands lacs...).
Selon le HREA, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale ne définit pas la "race" dans l'article mais définit la discrimination raciale comme "toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique".
Nous émettons toutefois, certaines réserves quant à l'emploi des mots "ethnie" et "race". Nous préférons l'emploi des concepts "groupe biologique" ou "culturel" vu les connotations que peuvent porter ces mots. Le mot "race" omet dans les traités relatifs aux droits de l'Homme, la désignation des groupes non-biologiques (les castes en Inde...).
I- Mécanismes juridiques
1-Les mécanismes internationaux
  • ONU: les pactes relatifs aux droits civils et politiques, et celui relatif aux droits économiques sociaux et culturels
  • Le CERD, le comité pour l'élimination de la discrimination raciale.
  • La Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques qui est censée préparer un traité prenant une forme plus contraignante pour les états signataires.
Nous soulignons l'existence d'Instruments régionaux et internationaux de protection et de "campagnes" médiatiques, parmi ces instruments nous comptons les Agences d'assistance, les formations et les recours en matière judiciaire.
2-Les mécanismes européens
Il sont nombreux.
Il y a tout d'abord la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (1949) dans son article 14. Ce traité, connu sous le nom de Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), interdit la discrimination pour raison de race ou de statut social.
Il y a le Protocole n°12 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (2000) dans ses articles 1 et 2. L'article 1 réitère ce droit et l'article 2 affirme qu'aucune autorité publique ne doit discriminer.
Citons également la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (1995).
La convention-cadre pour la protection des minorités nationales, le premier traité international obligeant à offrir de la protection spécifiquement pour les minorités, a été adopté en 1995, et il est entré en vigueur en 1998. La fondation pour ce traité a été établie par un traité précédent, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, qui a été adoptée en 1992.
Enfin citons, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne(2000) dans son article 21.
Ce traité interdit la discrimination pour raison de race, couleur, origine ethnique, origine sociale, etc...
3-les mécanismes africains
Au niveau de l'Union africaine, citons la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (1981) dans son article 18.
Ce traité affirme le droit de toute personne de bénéficier des droits énumérés par la Charte sans égard à leur origine raciale ou ethnique.
Il y a également la Charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant(1990) dans son article 26.
Ce traité affirme le principe de la non-discrimination pour raison de la race de l'enfant, de ses parents ou de ses tuteurs légaux. De plus, il reconnaît les besoins spéciaux des enfants vivant sous l'apartheid ou sous d'autres régimes pratiquant la discrimination raciale, ethnique, et religieuse et sujets à la déstabilisation militaire.
Enfin de nombreux autres mécanismes existent également dans les chartes arabes et islamiques pour les droits de l'Homme.
II- Lacunes
1- Lacunes politiques
Il y a trop de nominations on s'y perd le processus de Barcelone, l'euro-méditerranéen, l'UPM...
2- Lacunes juridiques
Il n'y a pas de dispositif législatif qui régule les droits des minorités dans l'espace euro-méditerranéen ou dans l'union pour la méditerranée. Il y a des instruments internationaux et régionaux, intergouvernementaux mais pas encore d'instruments méditerranéen.

Au nord de la Méditerranée, il y a une révision des législations, (au sud aussi à un degré moindre) d'une manière régulière de façon conforme au droit international, mais ce sont les pratiques et les mentalités liées à ces pratiques qui bloquent parfois les processus exécutifs de ces lois, les lois semblent en avant-garde par rapport à la culture humaine. Ces pratiques restent parfois discriminatoires et contraires aux prescriptions visant à protéger et respecter les droits des minorités.

3- Lacunes culturelles et sociales
La question des populations en minorité dans la méditerranée sud-occidentale :
Les Amazighs tiennent d'abord à ne pas être appelé berbères, ils tiennent aussi à ne pas être considérés comme une minorité, la question reste complexe mais elle est posée au Maroc comme en Algérie. La façon dont le problème est invoquée reste néanmoins différente selon chaque pays: l'histoire des Amazighs algériens avec le colonialisme, l'adoption de l'alphabet latin, 40% sont amazighs,ils ont plus de 60% des richesses .
Au Maroc il y a plus d'harmonie de respect de la question linguistique, dans l'éducation, dans les médias. Certaines composantes se disent "peuple autochtone minorisé", ainsi ils voudraient être comparés aux populations qu'ils appellent aussi "vulnérables" et dont les indiens d'Amériques ont été un exemple édifiant notamment sur la question de la minorisation de ces dernièrs.
A la rive sud de la Méditerranée on peut donc évoquer l'existence de minorités linguistiques (le cas des Amazighs au Grand Maghreb), mais aussi l'existence de minorités religieuses (Bahai, Ibadhites, juifs, chrétiens, nouveaux convertis à l'église évangélique, les coptes en Égypte, nouveaux convertis au chiisme au Maroc et dans le sud mais aussi au nord de la méditerranée).
Le problème du Proche-Orient:
Le conflit complique le processus du respect des droits des minorités, les populations musulmanes au Nord de la méditerranée profitent des acquis et bénéficient des lois pour pratiquer leur culture, leur langues, mais cette question des minorités semble souvent être gangrénée par le politique qui utilise la question des minorités pour faire des pressions et nous oserions dire quelques chantages politiques. Cela bien sûr ne touche en rien le droit des immigrés comme population minoritaires qui souffre de discrimination accrue depuis le 11 septembre, une date qui a déclenché une chaine d'incompréhensions et de colères affectives dans les rives nord et sud de la Méditerranée
Bilan, perspectives et recommandations
Bilan
  • Ce qui semble réussir c'est plus une méditerranée économique qu'une méditerranée politique encore moins une méditerranée humaine.
  • Nous constatons qu'il y a des décalages au niveau du développement des droits civiques et politiques et des droits sociaux économiques et culturels. Ces décalages se situent à plusieurs niveaux entre le nord et le sud de la Méditerranée, entre l'orient et l'occident et plus de difficultés, il y des régressions au niveau des minorités au Liban...
  • -Certaines populations ayant des appartenances sociales ou des opinions politiques particulières dans la rive sud de la méditerranée souffrent de discriminations, nous constatons et attirons l'attention sur la minorisation des groupes laïques avec l'islamisation qui est un constat de fait. Signalons que certains laïques sont croyants, mais qu'ils sont pour une séparation claire et franche entre le spirituel et l'organisation de la cité. Ces laïques de moins en moins nombreux sont parfois agressés menacés de traitrise, de proximité "à l'occident", sont marginalisés parce qu'ils ont fait des choix culturels différents. Nous ne parlons pas pour cette population de minorités linguistiques ou religieuses mais de minorité culturelle. Une partie de cette population a souffert de persécution en Algérie dans les années 90. Ceci a généré un conflit qui a par bien des aspects divisé la société pendant à peu près 10 ans.
Recommandations
  • 1-Les articles 5,6 et 7 de la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques des Nations Unies, évoquent la nécessité d'une coopération entre les Etats sur ces questions, cette coopération reste encore parfois défaillante. La Syrie un pays méditerranéen a reçu des réfugiés sabéens et irakiens de toute les religions et sa population fait un effort pour accueillir une population qui ne trouve pas de solutions.
  • 2-Selon le HREA "il y a une obligation de réviser les lois et les pratiques pour assurer qu'elles ne sont pas discriminatoires et une obligation d'illégaliser la propagande raciale, et l'obligation de défendre aux organisations de promouvoir la discrimination et la haine raciale".
  • 3-Il est urgent de réfléchir à illégaliser les propagandes "raciales" encouragées par certains médias. La difficulté reste dans l'illégalisation de ces pratiques sans toucher aux libertés fondamentales dont les médias doivent jouir, notamment au niveau du droit à l'expression libre des opinions. On a pu constater que certains discours discriminatoires sont adoptés par certains acteurs médiatiques au nord comme au sud, certains discours sont contagieux aussi nous pouvons évoquer la montée des tensions entre sunnites et chiites au Liban, quelques tensions entre certains coptes et musulmans en Egypte...
  • 4-Une instance de recherche sur l'islam et la méditerranée. Conduire une série de recherches sur l'islam méditerranéen et les droits de l'Homme qui aidera pour un islam global tranquille retrouvant un esprit en accord avec l'universalité des droits de l'Homme et pour une symbiose entre la spécificité culturelle de l'Islam et l'universalité des droits de l'Homme.
  • 5-Une charte pour les droits des minorités dans l'espace méditerranéen.
  • 6-La responsabilité sociale du secteur privé ou la Corporate Social Responsability (CSR), un secteur qui a bien profité de la mondialisation.
  • 7-Réfléchir à changer le mot "minorité" par "populations minoritaires" parce que le premier mot a parfois était sur-utilisé par les médias et par les politiques, son sens semble parfois surfait. Il est refoulé par certains groupes parce qu'il a été parfois utilisé plus à des fins politiques de celui qui fait la pression que pour la cause de ces populations vulnérables. 
    L'utilisation de l'argument certes légitimes des minorités dans les jeux de pressions politiques (exemple non-méditerranéen:Tibet-chine), fait tort aux droits de ces populations et embarrasse parfois la souveraineté de certains pays ce qui crée une défiance à l'égard de la question minoritaire. Cela crée parfois une tension sociale entre minorités et majorités, ceci est exactement le résultat contraire de l'effet attendu (le cas de Chypre, les kurdes en Turquie, les musulmans d'Europe qui peuvent être considérés comme des minorités nationales surtout s'ils s'agit de la deuxième ou troisième génération d'immigrés qui ont des nationalités européennes). Il faut dépasser une série de malentendus bloquant les processus d'avancement dans la protection des droits des minorités.
    Ceci n'enlève rien à leurs droits à bénéficier d'un traitement équitable. Posons le cas des sabéens mandéens qui se comparent aux pandas, une espèce en voie de disparition. Personne n'en parle ou presque parce qu'il n'entre dans le cadre de l'intérêt de personne. Un problème éthique; ils sont presque laissés pour compte.
  • 8-La question des populations culturelles et biologiques minoritaires semble compliquée en méditerranée orientale il serait donc plus simple dans le court terme de réfléchir à établir des traités sous-régionaux qui concerneraient la méditerranée occidentale nord et sud.
Par Emna Jeblaoui - Source de l'article Huffpostmaghreb

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