L’impact du Brexit sur l’économie libanaise devrait être très limité

Pour les observateurs interrogés par « L'Orient-Le Jour », les conséquences à court terme du référendum de jeudi dernier devraient très légèrement influer sur les revenus des banques et des ménages.



De légères secousses risquent d'être ressenties à Beyrouth suite à l'onde de choc provoquée par l'annonce des résultats définitifs du Brexit.
D'abord pour les banques libanaises, qui devront s'adapter à la très probable décision de la Réserve fédérale américaine de ne pas augmenter son taux directeur, alors que deux hausses demeurent attendues cette année. « Le Brexit affecte l'économie mondiale et la confiance des investisseurs. La Fed ne devrait pas risquer de relever les taux d'intérêt avant juin 2017 et ainsi ralentir davantage l'activité économique », affirme Marwan Barakat, chef du département de recherche économique de Bank Audi. S'il venait à être confirmé lors des prochaines réunions du Comité monétaire de la Banque centrale américaine, « ce report affectera l'évolution de la marge des banques, dont les taux d'intérêt sont déjà au plus bas, avec un retour sur actifs à 1 % et un retour sur fonds propres à 10 % », poursuit M. Barakat.

Le secteur financier libanais ne devrait pas non plus tirer profit d'une possible fuite des capitaux placés au Royaume-Uni occasionnée par le Brexit. « Si le Liban devait attirer ne serait-ce qu'une petite partie de ces capitaux, les banques sont prêtes. Par contre, je ne peux pas en dire autant de la Bourse de Beyrouth par exemple », se désole le directeur du département de recherche du groupe Byblos Bank, Nassib Ghobril. « Les Libanais ayant des placement financiers à Londres et ayant décidé dans un mouvement de panique de rapatrier leur argent ne risquent pas de choisir le Liban... », estime de son côté Paul Douaihy, directeur du Centre de recherche économique et sur les marchés de capitaux à l'Université Balamand.

Taux de change favorable

Mais il n'y aurait pas non plus de dégâts significatifs à craindre des fluctuations de change sur l'épargne des ménages libanais. L'euro valait 1,1272 dollar vendredi vers 04h45 du matin (heure de Beyrouth) – avant la fin du décompte des voix du référendum –, contre 1,1014 dollar hier à 21h. À la même heure, la livre britannique continuait de s'effondrer face au billet vert, à 1,3189 dollar pour une livre – atteignant même un plus bas de 30 ans en cours de séance –, contre 1,3485 dollar vendredi. « Si des ménages épargnent en euro, c'est clair qu'aujourd'hui le taux de change ne leur est pas favorable mais ça dépendra de la durée de la volatilité », constate M. Ghobril. « Il n'y a pas de statistiques là-dessus, mais la part des épargnes des ménages en euros est très minime », assure M. Barakat. Une tendance mondiale qui avantage une économie dollarisée comme celle du Liban. « Les produits en provenance du Royaume-Uni et de l'Union européenne coûteront moins cher en dollar, et grâce à la parité de la livre libanaise avec le dollar, le Liban verra sa facture d'importations baisser », affirme Nassib Ghobril.

L'Union européenne est le premier partenaire économique du Liban : selon les douanes, les 28 membres de l'UE cumulent 37 % de la valeur totale de ses échanges commerciaux en 2015 ; soit 7,86 milliards de dollars, dont 7,51 milliards de dollars d'importations. Tandis qu'avec le seul Royaume-Uni, la valeur des importations en 2015 était de 517 millions de dollars, et celles des exportations de 45 millions de dollars.
« Les gains seront plus importants si on suppose que les prix n'évoluent pas. Or, dans une telle situation, il y a un fort risque d'inflation, surtout au Royaume-Uni », prévient Jassem Ajaka, économiste et ancien conseiller du ministre démissionnaire de l'Économie et du Commerce Alain Hakim. Une situation qui ne devrait cependant pas profiter à tous les importateurs libanais.

Transferts financiers

Seulement, la situation desservirait les familles recevant des transferts de leurs proches expatriés dans des pays de l'UE ou en Grande-Bretagne. « En prenant en considération les taux de change actuels, la valeur des remises en provenance de ces pays va certainement baisser », prévient M. Ajaka. Compte tenu de leur volume, cette baisse éventuelle ne devrait toutefois pas affecter très lourdement les flux vers le Liban. « Selon la Banque mondiale, les remises des Libanais expatriés en Grande-Bretagne étaient de 153 millions de dollars en 2015 et représentaient 2,14 % des remises totales », indique M. Ajaka.
« Un autre risque majeur serait lié à un impact sévère sur la City et les conséquences que cela pourrait avoir sur les emplois des Libanais y travaillant », souligne M. Douaihy.

Dernière interrogation, celle relative au niveau des aides au développement allouées par le gouvernement britannique au Liban. Londres contribue à hauteur d'environ 14 % au budget de l'UE, qui s'élève à 960 milliards d'euros pour la période 2014-2020. Une partie de ce budget est destinée, dans le cadre de la Politique européenne de voisinage, aux pays du sud du pourtour méditerranéen, dont le Liban. Elle risque donc d'être revue à la baisse après la concrétisation du Brexit. « C'est un processus de transition qui prendra des années avant d'être complètement mis en place, les aides européennes devraient donc être épargnées pour le moment », tempère M. Ghobril.
De son côté, l'ambassadeur britannique au Liban, Hugo Shorter, a rappelé hier dans un communiqué que son pays est « le seul membre permanent (...) du G20 (...) à consacrer 0,7 % de son PIB à l'aide au développement », avant de « rassurer les Libanais » sur le fait que les « excellentes relations » entre le Liban et la Grande-Bretagne resteront « inchangées ».

Par Karen obeid - source de l'article l'Orient le Jour

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