Méditerranée: l’Europe en brèches

Le trafic des êtres humains en Méditerranée serait devenu la troisième source de financement des mafias après la drogue et les armes. Rien ne semble pouvoir l’endiguer

Les milliers de réfugiés de la guerre en Syrie sont prêts à tout pour fuir leur pays. Ils forment avec les Érythréens réduits à l’esclavage par la dictature qui règne chez eux, une ressource inépuisable pour les passeurs. Les migrants sont expédiés sur des coques pourries. On en découvre cachés dans des camions comme sur le ferry en feu secouru dans l’Adriatique cette semaine. L’exploitation de cet exode devient une industrie. Les mafias renflouent de vieux cargos battant pavillons moldaves ou sierra leonais pour abandonner leur cargaison humaine en pleine mer. Le jour de l’An, il fallut l’intervention hélitreuillée des garde-côtes italiens pour sauver du naufrage un cargo lancé moteur bloqué en direction du rivage. L’équipage avait disparu. Il y avait 900 personnes à bord. Hier, 450 migrants à bord d’un cargo à la dérive ne doivent leur salut qu’à l’armée italienne. La guerre et la misère battent en brèche les frontières de l’Europe.

Aucun Etat seul n’est capable de faire face à cette situation. Pas plus la Grèce frontalière de la Turquie et des conflits du Proche-Orient que l’Italie qui ne cesse d’écoper, souvent seule en première ligne. L’Europe n’est pas le problème, elle est la solution. Encore faudrait-il qu’elle se donne les moyens de lutter efficacement contre le trafic, qu’elle affiche solidarité et volonté politique pour s’attaquer aux réseaux. La police française aurait démantelé 230 filières en 2014. Mais combien de mafias prospèrent pendant que Bruxelles détourne ses regards vers des questions moins essentielles ?

Comment empêcher des peuples désespérés de rêver d’un asile de paix en Europe où moins de 10 % de la population mondiale concentre près du quart des richesses de la planète ? Seule la coopération avec les pays d’origine pourrait y aider. Cela paraît aujourd’hui bien illusoire. Les démocraties devront pourtant s’y résoudre si elles veulent lutter contre la xénophobie qui s’installe dans le débat politique et dans la société partout en Europe, en Suède comme au Royaume-Uni, en Allemagne comme en France.

Par Jean-Louis HERVOIS - Source de l'article Charente Libre

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