Le développement ferroviaire euro-méditerranéen à la traîne

Le secteur ferroviaire se trouve à la traine en Méditerranée. Il ne représente qu’1% des échanges de marchandises contre 95% pour la voie maritime. Cet écart concerne aussi bien les relations entre les deux rives qu’entre pays du Maghreb. Mais de nouvelles ambitions voient le jour.

 « Le transport ferroviaire dans la région reste largement en dessous de ses besoins et de son niveau de développement », constate Radhi Meddeb, Président de l'Institut de prospective Économique du Monde Méditerranéen (Ipemed). « ll n’existe pas de développement économique sans développement de ce secteur clef. Nous en avons besoin pour une intégration maghrébine et euro-méditerrannéénne », poursuit-il. 
La question a été débattue par de grands acteurs régionaux, publics et privés, réunis en séminaire à Tunis mercredi 12 novembre 2014. Des débats organisés par l’Ipemed, la SNCF (Société Nationale des Chemins de fer français), la SNCFT (Société nationale des chemins de fer tunisiens) et Europed Transport Project. 

« Je n’ai pas l’impression que le ferroviaire soit le parent pauvre de la politique d’intégration », tempère Stephane Volant, secrétaire général de la SNCF , impliqué dans la conception de projets régionaux. Pour lui la volonté ne manque pas : « le secrétaire d’Etat tunisien aux transports était présent à ce séminaire au côté des représentants algériens et marocains qui ont donné de vrais espoirs pour l’avenir, tout comme la présence des bailleurs de fonds, c’est très encourageant. »

Blocage politique au Maghreb

La future gare TGV de Tanger-Ville (photo ONCF)
À l’horizon de 2040, les réseaux des trois des pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie) devraient passer de 8 100 à 21 500 kilomètres de rails. À la faveur des plans « Rihane 50 » et « Rail 240 » au Maroc, « Schéma directeur du ferroviaire » en Algérie et du « Plan de développement ferroviaire » en Tunisie. Un grand projet de « Train Grande Vitesse maghrébin » (TGVM) est également souvent évoqué. Un serpent de mer. Même chose pour le « Corridor maghrébin de fret », toujours à l’étude. 

Certains acteurs pointent du doigt le manque de volonté des pouvoirs publics . « Au niveau du cadre institutionnel et juridique rien ne s’oppose à la mise en circulation des trains entre ces trois pays, le seul obstacle est politique », assure Samira Khemissi responsable Fret de la SNCFT (Société Nationale des Chemins de fer Tunisiens). « Ce qui bloque c’est la frontière entre Maroc et Algérie », poursuit-elle. 
Actuellement, il existe seulement un point d’interconnexion entre réseaux marocain et algérien (Tlemcen-Oujda), un autre entre Algérie et Tunisie (Souk Ahras-Ghardimaou). 

Le manque de connexions ferroviaire demeure révélateur du peu de vitalité du commerce intermaghrébin. En 2011 les échanges commerciaux des trois pays ne représentaient que 4% du total de leurs flux commerciaux, un niveau largement inférieur aux attentes, selon le dernier rapport de l’IPEMED. Si bien que le transport de ciment se fait aujourd’hui principalement par camions. Des ruptures de charges sont constatés également dans l’acheminement de voitures qui arrivent par bateau. « Il reste énormément d’économies à réaliser », affirme Radhi Meddeb. « C’est un sujet d’une extrême urgence, le TGV transmaghrebin ne sera pas réalisé dans les prochaines années, mais nous pouvons déjà rêver d’un maillage du territoire et nous avons besoin que les uns et les autres s’attèlent à cette tâche le plus rapidement possible. Tout le monde est d’accord mais personne ne passe à l’oeuvre ! », regrette-t-il, évoquant des pesanteurs administratives.

Des projets prioritaires

Les acteurs du secteur soulèvent deux priorités pour développer l’intégration ferroviaire euroméditerranéenne. D’une part « l’interopérabilité » : adapter les spécificités techniques comme l’écartement des rails, d’un pays à l’autre. « De gros obstacles techniques demeurent entre pays du Maghreb. Aplanir ces difficultés a un coût mais le gain serait considérable. Le ferroviaire coûte cher à l’investissement mais, il est nettement plus efficace et plus rentable que les autres modes que nous continuons à utiliser aujourd’hui », assure Stéphane Volant. 

Autre urgence, « la multimodalité » : combiner les différents modes de transport terrestre et maritime, pour que l’économie profite des atouts de chacun, en réduisant les charges et les pertes de temps. L’idée d’un titre de transport régional unique a également été évoquée pour exporter des biens, de manière plus sécurisée (notamment aux frontières), efficace et rentable. « Nous avons parlé de ligne de fret entre Sfax en Tunisie et Lyon », explique Stéphane Volant, « tout commencerait en train, pour se poursuivre en bateau et terminer à nouveau en train. Donc, la rive n’est même pas un obstacle pour le ferroviaire. » 

Deux grands chantiers devraient voir le jour dans les prochaines années : le TGV Tanger-Casablanca au Maroc, dont l’inauguration est envisagée en 2017, tout comme celle du « RER du Grand Tunis », cinq lignes de rail autour de la capitale tunisienne. 
Le secrétaire général de la SNCF assure que ce séminaire a été l’occasion de nouer des relations d’affaires. Mais, il confie : « Nous avons aussi de vrais projets avec les Algériens, vous en entendrez parler probablement au début de l’année prochaine.»

Par Camille Lafrance - Source de l'article Econostruminfo

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