Le port de Marseille s'espère en partenaire du Maroc

La présidente du directoire du grand port maritime de Marseille a signé un accord de coopération avec deux institutions portuaires marocaines. Le but est de densifier les échanges avec le royaume chérifien, voire même d'en devenir un partenaire privilégié.

Christine Cabau-Woehrel signe un accord avec le représentant de l'agence nationale des ports du Maroc sous les yeux d'Aziz Rabbah, ministre des transports.Elle est là pour ça. Depuis son arrivée à la présidence du grand port maritime de Marseille (GPMM), Christine Cabau-Woehrel est censée mettre son profil commercial au service du développement économique des bassins Ouest et Est. En signant ce vendredi un accord de coopération avec les autorités marocaines, la nouvelle présidente du directoire du GPMM veut créer les conditions de ce développement futur. 
Avant cela, la tâche prioritaire de ses premiers mois a été de rédiger un plan stratégique pour les quatre prochaines années dont Marséco a révélé les grandes lignes. Présenté aux cadres du GPMM en juin, il table sur des objectifs plus raisonnables que celui de son prédécesseur. Il vise une hausse de 30% des différents trafics d'ici 2018, loin des 50% promis précédemment. Ce plan doit être validé lors du prochain conseil de surveillance fin septembre. Juste après la visite à Tanger et Casablanca d'une délégation de la place portuaire.
Cette capacité à nouer des relations et vendre le port sur les cinq continents est donc censée être la marque de fabrique de Christine Cabau-Woehrel. Au ministère des transports français, en décembre dernier, l'entourage du ministre Cuvillier vantait les mérites d'ambassadeur de l'ancienne cadre commerciale de la CMA-CGM. La signature du jour en présence du ministre des transports marocains Aziz Rabbah est accompagnée d'une longue visite des bassins Est et Ouest de Marseille en compagnie d'une importante délégation de personnalités du royaume chérifien dont la directrice du port Tanger Med et celui du port de Casablanca.  

Des études et des leviers

Si cette visite se voulait "très concrète" pour reprendre le mot de la directrice, les accords signés avec l'agence nationale des ports et l'agence spéciale Tanger Méditerranée restent cantonnés au niveau des "études" et "leviers". Hormis des actions de formation, les autorités portuaires marocaine et marseillaise font acte de volontés communes notamment pour développer les lignes maritimes régulières entre les deux places. En particulier une liaison dite Ro-Ro de transports rouliers entre Marseille et Tanger. "Aujourd'hui, une grande partie des conteneurs en provenance du Maroc passent par la route, explique Christine Cabau-Woehrel. Notre ambition est donc de permettre les conditions de l'accueil d'une ligne régulière entre Tanger et Marseille qui propose une véritable alternative aux transports terrestres." Une ambition qui pourrait s'avérer payante en cas de hausse durable des hydrocarbures et de taxations des émissions de CO2 auxquelles le transport maritime est par essence moins sensible.
Lors de sa visite au Maroc en mai dernier, elle avait fait le forcing pour que le port de Marseille-Fos soit intégré aux lignes maritimes "candidates à l'appel à manifestation d'intérêt lancé [fin 2013] par la direction de la marine marchande marocaine" pour le transport de passagers ou de transport mixte dit Ro-Pax. Initialement, l'appel ne comprenait que Sète sur la côte française. Or, si Marseille a su développer des lignes régulières avec ce type de navires en direction de la Tunisie ou de l'Algérie, la ville n'en a pas avec le Maroc.

Attirer les fruits et légumes

Autre piste de développement possible, le retour à Marseille d'une partie des exportations de fruits et légumes marocains. Depuis la fermeture de son terminal fruitier en 2009, le GPMM n'a pas perdu toute ambition pour ce marché de niche et rêve de récupérer une partie des 97,2% des exportations marocaines qui passent quasi-exclusivement par La région Languedoc-Roussilon. Là encore, l'ambition est là mais les yeux de Chimène ne suffiront pas. Il faut également que la place marseillaise arrive à intéresser un opérateur disposé à s'installer à Marseille.
Or, depuis février, Fos Distriport bénéficie d'un nouvel opérateur Seafrigo qui a pour objectif de récupérer une partie des fruits israéliens opérés à Sète. En juin dernier lors de sa visite marocaine, Christine Cabau avait déjà évoqué avec le ministre des transports la possibilité d'une"création d’une plateforme logistique dédiée dans les ports de Tanger et de Marseille-Fos afin de consolider les flux d'échanges de marchandises agricoles à température contrôlée entre les deux ports".
En tout cas, le ministre des transports, Aziz Rabbah ne cache pas ses ambitions : "C'est dans notre intérêt d'avoir une nouvelle porte maritime vers l'Europe. Si Marseille développe une véritable plateforme logistique à Fos, le port peut devenir un port de transbordement pour nos exportations vers la Russie, voire plus loin." C'est déjà le rôle que joue le port d'Algésiras en Méditerranée, ce qui lui d'ailleurs a permis de ravir la place de premier port méditerranéen à Marseille en 2013. Mais cette capacité à se transformer dépend surtout de la capacité du port à attirer des investisseurs susceptibles de financer de nouvelles installations. Sur ce point, Algésiras a une large avance. En effet, le port espagnol a bénéficié de 514 millions d'euros d'investissements privés en dix ans.
Si Aziz Rabbah plaide pour une coopération accrue, c'est qu'il espère également que les investissements puissent rejaillir à Tanger. Plus généralement, il insiste sur la nécessité d'une avancée de concert des principaux ports méditerranéens. "Notre ambition est d'évoluer d'une logique de bagarre entre places portuaires à une logique de partenariat, insiste-t-il en se tournant vers Christine Cabau. Quand nous négocierons avec des armateurs à l'avenir, il faut que nous puissions dire que nous avons des places portuaires en Méditerranée qui ont des offres complémentaires. Si ce n'est pas le cas, nous risquons de perdre une partie du trafic mondial."  
Si Marseille Fos a l'avantage de posséder encore 10 000 m2 de foncier disponible, sa place dans le concert portuaire méditerranéen dépend aussi de sa capacité à relier les quais à un véritablehinterland constitué. Pour cela, l'effort d'investissement sur les infrastructures ferroviaires et routières doit se poursuivre dans les quatre prochaines années. Or, elles dépendent pour une part des négociations du contrat de plan Etat-Région qui n'ont pas vraiment commencé.
Par Benoît Gilles - Source de l'article Marsactu

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