Au MuCEM de Marseille, le carnaval avance masqué

Le carnaval n'est pas mort. Si certains prévoyaient sa fin dans les années 60, il revient aujourd'hui au premier plan. L'exposition "Le Monde à l'envers", au Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée de Marseille nous plonge dans l'atmosphère des carnavals et des mascarades. 

Les costumes flamboyants brésiliens y côtoient des masques marocains de l'Achoura, des personnages diaboliques et des géants des carnavals de Belgique. Refondation de l'ordre social, célébration du printemps, de la vie et de la mort... Dans les sociétés européennes et méditérranéennes, ces pratiques carnavalesques se ressemblent.
Les sorcières accompagnent souvent la Faucheuse dans les défilés carnavalesques © Matthieu Stricot
Les sorcières accompagnent souvent la Faucheuse
dans les défilés carnavalesques © Matthieu Stricot
Les danseuses de samba de Rio et le bal masqué de Venise stimulent l'imagination. Mais d'où viennent ces rites masqués qui ont traversé les âges ? « Beaucoup de théories circulent. Il y a de très grandes parentés entre les mascarades et les carnavals de pays de cultures et de religions différentes. Carnavals des pays chrétiens, Pourim juive, mascarades de l'Achoura et de l'Aïd-el-Kebir chez les Berbères, tous mêlent des 

aspects religieux et profanes », explique Marie-Pascale Mallé, commissaire générale de l'exposition.

Des origines préhistoriques ?
Le carnaval a certainement des origines antérieures à l'Antiquité. « Pour le mythologiste Claude Gaignebet, ce serait le vestige d'une très vieille religion préhistorique, celle du souffle, qui aidait les morts à gagner l'au-delà  », rapporte la commissaire.
Débauche carnavalesque avant le jeûne du Carême. Le Roi 
carnaval ventru et mangeur de viande contraste avec la Dame 
carême famélique qui se contente de poisson © Matthieu Stricot
Dans le monde antique, les Perses auraient été les premiers à développer une manifestation semblable. Les fêtes de Dionysos, les Saturnales ou les cortèges d'Isis sont autant d'exemples de rites masqués.
Pour l'historien Michel Vovelle, « le carnaval s'inscrit dans l'ordre de la nature et des rapports qu'entretiennent les hommes avec le rythme des saisons, le cycle lunaire, celui de la répétition plutôt que de l'histoire, avec les contraintes du froid et du chaud, de la récolte et de la vie collective, de la sexualité et de la mort ».

Le carnaval dans la religion catholique

L'Église catholique a repris ces traditions à son compte, comme le fait remarquer Marie-Pascale Mallé :  « La chrétienté a fait un effort théologique énorme pour les intégrer dans l'année liturgique ». Le mot « carnaval » vient du latin carnem levale qui signifie « enlever la viande ». Le calendrier fixe le carnaval au Mardi gras, un jour d'opulence et de festivités avant le jeûne du Carême.
Personnage emblématique des carnavals du sud de l’Europe,
 Saint-Antoine est perturbé par les tentations des diables
 © Matthieu Stricot
Mais l'Eglise est allée bien plus loin pour intégrer l'ensemble des mascarades qui ponctuent le calendrier, en le balisant par les célébrations de saints. « Certains ont des vies proches de personnages carnavalesques »,  note la commissaire. C'est le cas de saint Antoine, dans le sud de l'Europe. « Cet ermite aurait été tellement pieux que Satan venait le tenter par des visions lubriques. » Il est mis en scène dans les carnavals de Catalogne et de Naples, notamment.

Et dans les autres cultes?

Cette stratégie d'assimilation n'est pas la même dans l'ensemble du monde chrétien. « Le monde orthodoxe a fait moins d'efforts pour intégrer le carnaval. C'est resté une fête païenne à combattre », remarque Marie-Pascale Mallé. Il en est de même chez les protestants : « Dans les pays réformés, plus austères, on a supprimé le carnaval ».
Au Maroc, les mascarades berbères ont été
intégrées aux fêtes islamiques comme l’Achoura ©Matthieu Stricot
Les rites masqués sont en revanche restés ancrés sur la rive sud de la Méditerranée. Chez les juifs, Pourim célèbre la délivrance miraculeuse d'un massacre de grande ampleur planifié par Haman l'Agagite dans tout l'Empire perse au temps de sa splendeur.  « En Israël, cette fête est un grand carnaval urbain. Il faut se déguiser et boire jusqu'à mélanger les noms du tyran et du libérateur Mardochée. »
En terre musulmane,  les mascarades ont souvent été combattues par les religieux. « Ces fêtes masquées sont propres aux sociétés berbères anté-islamiques . Elles ont finalement été intégrées au calendrier islamique lunaire et se manifestent à l'occasion de l'Achoura, de l'Aïd-el-Kebir ou du nouvel an berbère ».
Le cycle de la vie et de la mort
Partout, le carnaval célèbre la vie et le renouveau. Il est donc indissociablement lié à la mort. « La plupart des masques représentent des morts revenus dans le monde des vivants demander des comptes. » Sous la forme de Faucheuse ou de squelette, la mort n'est jamais loin... Parfois, le diable l'accompagne. Le carnaval est aussi l'occasion de « représenter les mystères ».

Infos pratiques

Exposition « Le Monde à l'envers », Jusqu'au 25 août 2014 au MuCEM (Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée), Marseille. Ouvert tous les jours de 11h à 19 h. Tarifs : 8 €/ 5 €. Renseignements : 04 84 35 13 13
Source de l'article le Monde des religions

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