Le corridor méditerranéen en marche

La mise en œuvre du projet Clyma (développement de la connexion multimodale Lyon-Madrid) est une étape importante dans la réalisation du « corridor méditerranéen ». L'enjeu est de taille pour les ports de Méditerranée, puisque que le corridor multimodal leur offrira davantage de compétitivité

Objectif : mieux capter les flux de marchandises en provenance d'Asie, via le canal de Suez. Alors que 75% des volumes partent directement aujourd'hui vers les grandes plates-formes portuaires du nord de l'Europe.

En vert : le tracé du futur corridor méditerranéen (carte UE)
Le Corridor Méditerranéen est déjà une réalité sur le papier, depuis que l'Union Européenne a définitivement adopté en fin d'année 2013 le Réseau TransEuropéen des Transports (RTE-T). Il se concrétise encore davantage aujourd'hui avec la mise en œuvre du projet Clyma, qui doit évaluer les infrastructures existantes entre Lyon et Madrid. 

Ce projet, visant aussi à définir un modèle de gouvernance en déterminant le partage des rôles entre acteurs publics et privés, regroupe une douzaine de partenaires qui viennent de se réunir pour la première fois à Perpignan(1). Le Port de Barcelone est à la tête de ce consortium doté d’un budget de plus de 2,5 M€, dont la moitié subventionnée par l’Agence européenne du RTE-T. Avec à la clé des enjeux stratégiques importants, puisque le corridor méditerranéen doit permettre de rééquilibrer l'activité entre les grands ports du nord et du sud de l'Europe. Car, 75 % du trafic de marchandises en provenance d'Asie, via le canal de Suez, remontent actuellement par bateau jusqu'aux grands ports d'Europe du nord. Les ports de Méditerranée ne captent donc qu'un quart de ces volumes. Les marges de progression demeurent conséquentes, à condition d'offrir la possibilité de transférer les marchandises sur les trains depuis Valencia, Barcelone ou Marseille, pour un acheminement final par ce corridor méditerranéen.

Faire sauter le « bouchon » lyonnais

Un enjeu stratégique pour les ports de Méditerranée, dont celui
 de la capitale catalane (photo Port de Barcelona)
L'un des principaux chantiers à réaliser pour atteindre cet objectif concerne le contournement de l'agglomération lyonnaise, véritable goulet d'étranglement, puisque un millier de trains traversent quotidiennement la ville de Lyon. « Notre deuxième priorité, c'est d'établir davantage de connexions avec le port de Marseille », ajoute Claude Chardon, de la CCI Rhône-Alpes. 

De leur côté, les responsables du port de Marseille travaillent justement à une augmentation des services massifs d'intermodalité, comme l'indique Fabienne Margail, responsable « hinterland » : « Nous voulons faire passer de 15 à 40 % la part des modes ferroviaires et fluviaux dans le transport global au départ de nos terminaux de Marseille et Fos ». D'autant que la cité phocéenne se trouve au carrefour de deux grands axes européens multimodaux : le corridor méditerranéen et le corridor nord-sud. D'où les 300 M€ d'investissements prévus sur dix ans à Marseille et Fos pour améliorer l'offre ferroviaire, avec déjà une trentaine de liaisons directes hebdomadaires vers Lyon (en 5 heures). C'est aussi dans cette logique que s'inscrit le projet Med Link, reliant une dizaine de ports, depuis Sète et Marseille, jusqu'à Pagny.

« Traverser les frontières administratives »

Le Port de Barcelone a consenti d'importants investissements
pour adapter ses infrastructures (photo Port de Barcelona)
La Catalogne n'est évidemment pas moins active sur ce dossier : « Aujourd'hui, nous avons mis en œuvre les investissements nécessaires pour pouvoir offrir la multiplicité des moyens de transports, notamment ferroviaire, au départ du port de Barcelone, mais le manque de services sur le corridor méditerranéen ne permet pas encore d'utiliser pleins ces moyens », témoigne Ricard Font, responsable des infrastructures à la Generalitat. Des efforts qui visent à rapprocher les régions réunies dans ce projet commun de corridor méditerranée pour former une unique entité de Madrid et Valencia jusqu'à Marseille et Lyon. « Il faut être capable de traverser les frontières administratives pour créer l'activité économique tout au long du corridor, et pour cela il faut un catalogue de services qui permettra aux entreprises privés de s'investir, pour rendre le relais des institutions publiques, chargées créer les infrastructures.» 

Cette ambition s'est concrétisée d'ores et déjà par le nouveau service de fret entre Tarragone et Lyon, via Barcelone et Perpignan ; une ligne opérée par TP Nova en Espagne et Novatrans en France, avec une fréquence de quatre trains par semaine. Les premiers résultats permettent même aux partenaires opérateurs d'envisager la circulation d'un train par jour d'ici quelques mois.

Mutualiser les énergies

Légende photo (DR) : Au terminal ferroviaire de Saint-Charles (de gauche à droite) : Sixte Cambra,
président du Port de Barcelone, Jean-Paul Alduy, président de la communauté d'agglomération
Perpignan-Méditerranée, Santi Vila, Conseiller « Territoire & Développement » du Govern catalan,
et Pere Padrosa, directeur de Transports à la Generalitat de Catalogne (photo : Port de Barcelona)
Cette nouvelle liaison de fret ferroviaire s'avère une bonne illustration de cette intégration des régions pour laquelle milite aussi Jean-Louis Chambon, du Conseil Général des Pyrénées-Orientales et de la plate-forme multimodale MP2, qui regroupe six sites, dont le grand marché de Saint-Charles, le premier MIN privé en France. « Le corridor méditerranéen est comme un cordon qui préfigure l'Europe de demain, avec l'obligation de se rencontrer, de dialoguer, de s'écouter, et de mutualiser les énergies » affirme-t-il. Obligation aussi de dialogue et de rencontre entre acteurs publics et privés. Au Marché Saint-Charles, gare d'échange des marchandises sur la ligne de fret ferroviaire de TP Nova et Novatrans, 40 M€ ont été investis par les collectivités locales pour susciter justement cet engagement privé nécessaire au fonctionnement d'une telle liaison ferroviaire. « Nous avons mobilisé les investissements pour créer les infrastructures adaptées, et maintenant les investisseurs privés arrivent », confirme Jean-Louis Chambon. 

L'initiative a valeur d'exemple pour les partenaires du projet Clyma, dans l'optique de la mise en place d'une gouvernance partagée entre public et privé. Mais il faudra également que les normes ferroviaires européennes s'harmonisent, car, les différences de réglementations entre pays pénalisent les coûts de transport ferroviaire. C'est à ce prix que le corridor méditerranéen multimodal deviendra une alternative à la route. 


(1) Partenaires du projet Clyma: Port de Tarragone; Portic, la plate-forme télématique de la Communauté Portuaire de Barcelone; Université Polytechnique de la Catalogne (UPC); Terminal Maritime de Saragosse (tmZ); Association de Logistique Innovatrice d'Aragon (ALIA); VIIA, filiale de SNCF Geodis dédiée aux autoroutes ferroviaires ; MP2, société mixte qui réunit les plate-formes multimodales et opérateurs logistiques du Roussillon.

Par Francis Mateo, à BARCELONE - Source de l'article Econostruminfo

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