Crise économique dans le nord, printemps arabe dans le sud - Quel tourisme pour les peuples du sud de la Méditerranée ?

On ne peut évoquer le bassin méditerranéen sans parler de tourisme.

Selon les données de 2011-2013, la région reçoit près de 40% des arrivées touristiques internationales et engrange près de 30% des recettes touristiques mondiales. Et ce sont plus de 5 millions de personnes qui sont employées par le secteur. Pour certains pays, la part du tourisme dans le PIB dépasse le seuil des 14%. Pris dans l’absolu, ces chiffres sont rassurants. Toutefois, il faut les relativiser par rapport aux résultats des autres régions du monde et aux inégalités Nord-Sud au sein-même du bassin. Il faut, aussi, les inscrire dans la conjoncture économique mondiale qui sévit depuis 2009 et, enfin, les confronter aux nouvelles attentes post-printemps arabe.

Le tourisme est une opportunité pour le développement et les peuples du Sud et de l’Est de la Méditerranée souhaitent profiter de l’essor de l’activité touristique. Dans les pays du sud et de l’est de la Méditerranée, dont fait partie l’Algérie, ce qui est appelé événements du printemps arabe a mis en avant les attentes politiques, socio-économiques, culturelles et environnementales des peuples de ces régions. Dans cette dynamique politique, le tourisme, à l’instar de l’ensemble des activités politiques, est au cœur des préoccupations. Le tourisme est une source de devises pour les pays de la Méditerranée et représente 13% de leurs exportations. Son poids dans le PIB est important. A titre d’exemple, dans la rive Nord, pour la France, il rapporte plus de 30 milliards de recettes par an. Dans les rives sud et est, son poids est aussi important avec comme exemple 14,30% et 13,90 du PIB respectivement de l’Egypte et de la Tunisie en 2011. Ainsi, plusieurs pays des rives sud et est tirent l’essentiel de leurs ressources en devises du tourisme.

Les peuples de ces pays cherchent à ce que ces recettes participent pleinement aux efforts du développement national et des économies locales. Pour cela, il est attendu que ce développement passera par moins de dépendances des destinations des rives sud et est vis-à-vis des entreprises émettrices du nord en général et du nord de la Méditerranée en particulier. Or, sans cette dépendance, les marchés émetteurs leur resteront-ils ouverts ? L’enjeu est de trouver le juste milieu. En France, le tourisme crée 1 million d’emplois, en Egypte on parle de 3 millions, et en Tunisie de 500 000. L’emploi est, après les ressources en devises, le deuxième argument pour les choix stratégiques en matière de développement touristique. Cette argumentation doit trouver son prolongement sur le terrain. Moins de précarité et plus d’emplois pour les locaux. Face à la crise économique, la concurrence sur les marchés émetteurs amène les grands groupes émetteurs à faire pression sur les réceptifs des rives est et sud pour avoir des coûts de plus en plus bas. Les entreprises réceptives essaient de diminuer les coûts en jouant sur les charges du personnel, la qualité des approvisionnements, des prestations et même sur leur marge de profit. La peur est de voir ces sacrifices déclasser le produits, mettre le réceptif local en faillite et ternir à jamais l’image de la destination.

Limiter les fuites de ressources financières

Par fuite des ressources financières dans le tourisme, on entend soit la rétention dans les pays émetteurs d’une partie importante des recettes en devises des activités au réceptif, soit le retour dans ces contrées d’une partie des dépenses des touristes effectuées dans les destinations. Dans les recettes retenues, on cite les factures de certains fournisseurs en amont telles que les compagnies aériennes, les agences de publicité, etc. Dans les parts des recettes qui retournent aux pays émetteurs, on cite les profits, les redevances, les salaires des expatriés. Ces fuites, une fois qu’elles atteignent un certain seuil, déclenchent un effet négatif sur les sociétés locales. Selon certaines études, ces fuites peuvent atteindre 50% des recettes. Selon d’autres études, en situation de crise ce taux peut atteindre les 70%. Les ressources en devises du tourisme deviennent alors sans impact réel sur le développement national. Les mouvements que vivent les pays des rives sud et est mettent pour la première fois dans ces régions la gestion de la collectivité où sont implantés les complexes touristique au cœur des débats politiques. Les objectifs et les résultats du complexe touristique deviennent des éléments du bilan des politiques locales. Le bilan économique marque le pas sur le bilan financier. Insérer le complexe touristique dans la dynamique du développement local est une attente. Si elle est satisfaite, elle assurera la pérennité de l’investissement touristique dans une conjoncture marquée par plusieurs incertitudes, y compris sécuritaires. Le complexe touristique devient symboliquement propriété de la collectivité. Les échanges et flux financiers et physiques sont le cordon ombilical liant le complexe au territoire.

Limiter les écarts en arrivées et en recettes Internationales

Pour les arrivées et si la part de la Méditerranée de l’ensemble des arrivées à l’international est d’environ 300 millions de touristes par an, à eux seuls, 5 pays sur les 22, tous de la rive nord du bassin, reçoivent plus de 67% du flux, soit quelque 203 millions de touristes. La part des pays de la rive sud qui arrivent à la 18e place, grâce à l’Egypte, est minime. Avec la situation qui prévaut depuis 2011, les peuples des rives est et sud comptent sur les entreprises touristiques du nord pour assurer au moins le maintien de parts de marché acceptables et la conquête de nouvelles parts sur certains pays émergents. Bien que la tendance 2012-2013 le confirme avec les bons résultats de croissance de l’Espagne à 2 chiffres (croissance de 20%), les peuples des destinations des rives sud et est comptent sur les peuples et les entreprises touristiques de la rive nord pour que l’UE ne se transforme pas en une destination domestique fermée. La sous-région est et sud contient des pays vides touristiquement, à l’instar de l’Algérie, des territoires palestiniens et de la Libye, qui sont un gisement pour améliorer le nombre des arrivées à l’international sous réserve de l’amélioration de la situation politique.

Pour les recettes, seuls 4 sur les 22 pays de la Méditerranée sont aux 20 premières places en matière de recettes, alors qu’ils sont 7 en matière d’arrivées. L’ensemble des recettes des pays de la Méditerranée est de plus de 360 milliards de dollars, la part de 4 pays du Nord plus la Turquie est de 158,7 millions de dollars, soit plus de 40%. Ce retard est celui des pays du nord, mais aussi celui des pays des rives sud et est. Le premier pays de ce groupe, la Turquie, se retrouve à la 10e place, alors qu’en matière d’arrivées il est à la 7e place. Pire, aucun pays de la rive sud n’est aux 20 premières places. Si elle est le terrain du plus vieux contentieux toujours en cours entre deux peuples, arabe et israélien, elle est le pays de l’olivier, ce symbole de la paix, et le berceau de la plus belle aventure communautaire des temps modernes : l’Union européenne. Du coup, elle est le lieu de tous les espoirs. Ici, les liens entre touristes et pays d’accueil sont plus forts que de simples relations entre voyageurs et destinations, tellement de part et d’autre de la mer on partage un lourd héritage historique et culturel. Dans ces contrées, il ne sert à rien de réaliser des recettes touristiques en devises si ces dernières ne participent pas au développement socio-économique du pays à travers un développement durable réalisé par des entreprises inscrites dans une démarche sociétale. Un développement durable qui ne doit plus se résumer à des objectifs environnementaux, surtout que dans les domaines de l’économique, du social et du culturel il y a urgence.

Par Mourad Kezzar ( Journaliste-Consultant-Formateur)  - Source de l'article El Watan

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