Gouvernance et financement : les priorités des systèmes de transport urbain en Tunisie

L’urbanisation rapide de la Tunisie comporte de nouveaux défis pour les transports urbains. .



Comme tous les pays de la Méditerranée, la Tunisie connaît une forte urbanisation (67 % en 2010, avec un taux de progression de 1,5 % par an), qui s’accompagne d’une concentration sur le littoral : à côté de l’agglomération de Tunis, qui rassemble plus de 10 % de la population, des villes secondaires comme Sousse et Sfax sont en plein essor.



L’efficacité du transport urbain est une condition essentielle pour la performance économique et pour le bien-être des résidents. Elle est indissociable de la question du développement des villes et, à l’échelle du pays, du développement régional, qu’il s’agisse de l’équilibre entre Tunis et les villes secondaires ou du développement des territoires autour de celles-ci.



Le contexte institutionnel et financier ne permet pas le développement d’une offre attractive de transports collectifs. Des investissements importants ont été faits à Tunis dans la période récente : développement du métro dès les années 1980, renouvellement du matériel roulant de la ligne TGM (Tunis-La Goulette-La Marsa), électrification du réseau ferré en zone Sud de la ville, rénovation du parc de bus. D’autres sont en préparation comme l’extension du métro léger et le grand projet de RFR (réseau ferroviaire rapide) qui va structurer les transports urbains et régionaux du grand Tunis et de ses zones adjacentes pour les 20 années à venir. Mais beaucoup reste encore à faire, dans la capitale et dans les villes secondaires, pour relever des défis qui deviennent pressants.



Les aspects institutionnels sont une des causes premières de la situation. La coordination est insuffisante et les responsabilités diluées entre les différents ministères concernés par la question des transports au sein du gouvernement, d’une part, et entre l’Etat, les gouvernorats, les conseils régionaux et les municipalités d’autre part. La loi 2004/33 qui prévoit notamment la mise en place d’autorités régionales organisatrices des transports terrestres (AROTT), en charge de la coordination de l’ensemble des acteurs, ainsi que des mesures visant à faire participer les bénéficiaires indirects au financement des systèmes de transport, n’est pas appliquée.



Les déséquilibres financiers sont une conséquence des blocages institutionnels. La situation des exploitants est fragile, les subventions aux carburants (1,5 Md EUR par an tous produits confondus) et les compensations pour tarifs sociaux (162 M EUR par an) pèsent sur le budget de l’Etat, tandis que les usagers, malgré les conditions tarifaires favorables des transports collectifs, recourent de plus en plus à une offre alternative, ce qui atteste de leur disposition à payer pour une meilleure qualité de service et ouvre des pistes de réflexion en matière de réforme tarifaire.


Les journées nationales des transports urbains durables à Tunis : une feuille de route partagée.


Dans ce contexte en pleine évolution, les « Journées nationales des transports urbains durables » ont été organisées du 11 au 13 Décembre 2012 à Tunis par l’AFD, en partenariat avec le ministère du Transport de Tunisie, et avec l’appui de CODATU, du CERTU et de Transitec, dans le cadre du programme sur les Transports urbains durables du Centre pour l’Intégration en Méditerranée.


Cet atelier national était le premier opus d’un nouveau cycle du programme du CMI visant à promouvoir, à l’échelle des pays, des réformes sectorielles pour améliorer le cadre institutionnel des systèmes de transport.

Plus de 100 cadres dirigeants et responsables nationaux représentant le ministère du Transport, 6 autres ministères dont le ministère des Finances, les agences publiques, les gouvernorats et les municipalités, les opérateurs publics et privés de transport urbain ou régional et les organisations de la société civile, ainsi que des chercheurs ou consultants nationaux, ont participé aux travaux, accompagnés par des consultants de CODATU, du CERTU et de Transitec mobilisés par l’AFD.



En ouvrant les discussions, le ministre, SE. M. Karim Harouni, a fait part des fortes attentes du gouvernement pour apporter des réponses durables aux besoins des citoyens, notamment en matière de sécurité dans les transports, ce qui suppose d’impliquer davantage les collectivités locales et les usagers, en vue de « passer du transport de l’Etat au transport de la cité », mais également de réviser en profondeur les modalités de financement des systèmes de transport et la participation de l’Etat, afin de « passer des subventions à l’échec à des subventions à la réussite ». 



L’atelier a été marqué par une participation forte et continue, des discussions franches et actives, et l’élaboration de recommandations partagées, à la fois ambitieuses (en visant des réformes structurelles), pragmatiques (l’accent étant mis que ce qui est faisable immédiatement compte tenu de la répartition actuelle des compétences) et opérationnelles, la priorité étant donnée à l’action. 



Il en est résulté neuf champs d'intervention prioritaires qui constituent la trame de la feuille de route devant permettre au ministère du Transport d’améliorer la situation des systèmes existants et de préparer l’avenir au niveau de la capitale (notamment pour le projet RFR) et des villes secondaires :
1.  mettre en œuvre une politique nationale qui prépare la convergence avec la nouvelle Constitution en cours de préparation,
2.  mettre en place les autorités régionales organisatrices de transport prévues par la loi 2004/33, en assurant un transfert de compétences aux collectivités locales et en réalisant des projets pilotes,
3.  créer une autorité organisatrice des transports spécifique au Grand Tunis (zone relevant de quatre Gouvernorats), notamment en vue de la mise en service du RFR,
4.  mettre en place une tarification intégrée pour les transports collectifs à Tunis, basée sur une révision des réductions tarifaires et intégrant les différents modes de transports collectifs et la tarification liée aux voitures particulières en particulier pour le stationnement,
5.  clarifier les relations entre les pouvoirs publics et les entreprises de transport en termes d’objectifs, d’engagements réciproques et de financement,
6.  augmenter les recettes tarifaires directes pour les opérateurs,
7.  identifier de nouvelles sources de financement (valorisation des plus-values foncières, fiscalité sur les bénéficiaires indirects)
8.  articuler le développement urbain et la planification des transports, notamment au sein des autorités organisatrices de transports,
9.  préparer les villes secondaires à la mobilité urbaine durable


Ces chantiers devraient permettre de refonder l’organisation des systèmes de transports urbains et les relations entre l’Etat, les opérateurs et les usagers, tout en améliorant le contexte et donc la performance des nouveaux projets comme le RFR. Les Journées de Tunis ont initié une dynamique qui devrait se poursuivre. Ainsi, un atelier est organisé à Sfax les 4 et 5 mars 2013 dans le cadre du projet EUROMED sur le thème des autorités organisatrices de transports et des plans de déplacements urbains, atelier auquel le CERTU va contribuer.
Source de l'article CMI Marseille

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