Tiznit -L’homme au cœur du tourisme

La ville de Tiznit a été, du 21 au 23 octobre, la capitale mondiale du tourisme solidaire. Elle a abrité le FITS MED 2012 sur le thème «Rôle du tourisme dans le développement durable des territoires sensibles de la Méditerranée». 
La capitale de la bijouterie traditionnelle a accueilli des participants de 16 pays, venant notamment du Maghreb, du Moyen-Orient et d’Europe. Cette grande rencontre était l’occasion pour mettre la lumière sur un autre modèle de développement touristique qui intègre parfaitement les choix stratégiques du Royaume.
Un tourisme de territoire capable de valoriser les potentialités et les ressources locales. Comme cela a été souligné par les initiateurs du Forum, il s’agit d’un tourisme maîtrisé par les populations et à leur profit. Fondé davantage sur le capital social que sur l’argent.
Le FITS Maroc 2012 avait pour objectifs essentiels de sensibiliser les acteurs publics et privés du développement territorial à l’intérêt de promouvoir un tourisme responsable et solidaire ; de faire mieux connaître, au niveau international, les potentialités touristiques que recèlent certaines zones défavorisées de la Méditerranée, du Maroc en particulier ; de favoriser les échanges de bonnes pratiques et les concertations entre acteurs locaux impliqués dans le développement des territoires méditerranéens et enfin formuler des propositions concrètes pour contribuer à renforcer le développement touristique des zones fragiles des pays de la Méditerranée.
Plusieurs conférences et ateliers ont été animés, à cet égard, par des experts nationaux et internationaux, des universitaires et des acteurs associatifs. Ils ont suscité l’intérêt d’un large éventail des acteurs présents.
Le choix de Tiznit pour abriter le Forum s’explique par le fait que la région a une forte vocation touristique avec le pôle d’Agadir, mais dont l’arrière-pays est encore peu ouvert au tourisme. 

Il s’agit en outre d’une région qui dispose d’expériences très significatives, avec une mobilisation dynamique des collectivités locales, d’autant plus que le secteur de l’économie sociale et solidaire y est également bien développé.

À l’instar du Forum Initiatives Jeunes de Taliouine, ce sont des jeunes qui ont décidé de prendre leur destin en main et contribuer au développement de leur terre natale. «J’ai été vraiment très touchée par la qualité de l’accueil et de la générosité des gens qui nous ont reçus dans différentes étapes de la caravane du Sud. J’ai aussi beaucoup aimé le climat et les paysages. Je garde de très bons souvenirs de ce voyage au Maroc dans le cadre du Forum international de Tiznit», souligne en substance Geneviève Clastres, journaliste de Voyageons-Autrement.Com, premier portail français sur le tourisme responsable. 

À noter que le Comité national d’organisation (CNO) au Maroc associe des représentants de la société civile marocaine, en particulier le Réseau marocain de l’économie sociale et solidaire (REMESS) et le Réseau marocain de l’écotourisme solidaire.


Questions à : Jean-Marie Collombon, coordinateur général du FITS (Forum international du tourisme solidaire)

«Le tourisme élitiste ne contribue pas à résoudre les problèmes essentiels du pays que sont l’emploi et le revenu»

Comment envisagez-vous l’avenir du tourisme solidaire ?

Le tourisme solidaire a un avenir radieux. Depuis 60 ans, la France développe un tourisme de territoire capable de créer des emplois ruraux, de valoriser les patrimoines et les productions locales. 
Il contribue très largement au succès du tourisme dans un pays qui accueille 75 millions de touristes internationaux chaque année. Si le touriste européen amène de l’argent au douar, il n’est pas nécessaire d’émigrer pour aller chercher l’argent en Europe. Et l’expérience du Maroc est significative à cet égard. C’est un très beau pays qui dispose d’atouts considérables, son patrimoine naturel et culturel, sa gastronomie, l’hospitalité et la gentillesse de sa population. Des initiatives multiples, portées par des associations locales mettent déjà en valeur ces atouts et attirent de plus en plus de touristes. 
Les initiatives se fédèrent. Des réseaux se constituent comme le Réseau marocain d’écotourisme solidaire qui assure le lien fondamental entre tourisme, terroir et agro-écologie. Le Réseau marocain d’économie sociale assure, de son côté, le lien entre tourisme solidaire et économie sociale.

Que pouvez-vous nous dire sur les caravanes solidaires, liées à cet événement, qui ont sillonné les différentes régions du Maroc et le Forum international de Tiznit ?

Les deux caravanes solidaires qui sont allées, l’une de Tanger à Tiznit, et l’autre d’Oujda à Tiznit, entre le 15 et le 23 octobre, après les forums régionaux de Tanger, Oujda, Guelmim et Tata, ont mobilisé et impliqué, tout au long du parcours, de très nombreuses collectivités, associations et coopératives. Elles ont eu un très grand succès. 
Chacune a mobilisé au total plus de 400 participants aux différents forums et ateliers locaux.
Le forum international de Tiznit a permis à 350 participants, avec beaucoup de Marocains et de Français, mais aussi des participants venus de 16 pays, de beaucoup échanger et de bâtir un ambitieux Plan d’action concertée 2013-2015 pour la promotion du tourisme solidaire en Méditerranée. Le FITS Maroc 2012, avec ses 14 événements décentralisés qui ont mobilisé 1 460 participants au total, a incontestablement été l’événement le plus fort jamais réalisé au Maroc dans le domaine du tourisme 
alternatif.

Quelle est la contribution que pourrait apporter ce tourisme solidaire pour atteindre les objectifs gouvernementaux fixés dans la Vision 2020 ?

On comprend aisément que la politique touristique du gouvernement marocain soit orientée vers un tourisme élitiste, de «plage-soleil», concentré sur de grands complexes balnéaires. Cela amène des devises et des emplois au pays, même si ces emplois sont précaires et saisonniers. Ce tourisme enrichit les promoteurs et les tours opérateurs qui sont surtout en Europe. Il ne contribue pas à résoudre les problèmes essentiels du pays profond, que sont l’emploi et le revenu. Ma conviction est que cette stratégie ne permettra pas d’atteindre l’objectif de 20 millions de touristes internationaux en 2020. 
Quand on dispose d’atouts comme ceux des zones de montagne et d’arrière-pays du Maroc, on doit tout mettre en œuvre pour les valoriser. 
Les propositions de la Vision 2020 sont insuffisantes. Il faut favoriser la concertation interinstitutionnelle, apporter plus d’appui financier aux projets, adapter les réglementations, mettre en place des formations, 
appuyer les réseaux.

Le tourisme de masse et le tourisme solidaire peuvent-ils être complémentaires ?

Dans les années qui viennent, le tourisme dDans les années qui viennent, le tourisme de masse va stagner et le tourisme solidaire se développer. La demande en Europe évolue. De plus en plus de voyageurs souhaitent plus de nature, d’authenticité, de convivialité, d’équité. Un nombre croissant de voyageurs souhaite rencontrer et échanger avec la population. 
Les opérateurs nationaux et internationaux du tourisme de masse peuvent prendre en compte cette nouvelle donne, sortir leurs clients des ghettos touristiques où ils les enferment pour les amener à la rencontre des associations villageoises et des coopératives. 
Les touristes y achèteront du safran ou de l’huile d’argan et aideront les villageois et les organisations à accroître leurs revenus.Mais si c’est pour appliquer à ces zones les méthodes qu’ils appliquent en général, qui consistent à écraser au maximum les prix locaux, pour maximiser leur profit, il vaut mieux qu’ils laissent leurs clients dans leurs complexes touristiques. Les villageois se débrouilleront très bien sans eux.
Par Driss Lyakoubi, source LeMatin

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