Une chanson consacrée aux femmes de la Méditerranée

Il y a différents moyens de s'opposer à la barbarie. Celui choisi par Mara Cantoni est fin, léger et résistant comme le fil d'une toile d'araignée: conçu à la perfection, fonctionnel, il séduit, étonne et enjôle. Au cœur de la toile, son nouvel album Elles sont venues pour dire, dont elle est aussi productrice exécutive (vente en ligne sur www.zonedimusica.com).

Elles sont venues pour dire est aussi le titre de la chanson que l'artiste interprète en français dans le premier morceau. Dans le deuxième, elle en propose une autre version où une multitude de voix se succèdent, s'emboîtent et s'entremêlent, grâce à un travail de montage que Mara Cantoni maîtrise avec virtuosité. Du français, on glisse donc dans ce deuxième titre vers un chœur de différentes langues: anglais, italien, espagnol, portugais, serbe, croate, albanais, grec, turque, hébreux, arabe.

Il n'y a que des voix de femmes. D'ailleurs, l'équipe de l'album est, elle aussi, presque entièrement féminine; comme Lee Colbert qui a suivi de près l'arrangement et la direction de l'ensemble instrumental formé de plusieurs musiciennes de l'Orchestre des femmes du 41° parallèle. Même l'image de la pochette est l'œuvre d'une créatrice. Un tableau minimaliste de Bice Lazzari « Récit numéro 2 » dont l'archive «Bice Lazzari» de Rome a permis la reproduction.

Mara Cantoni dit avoir voulu dédier une chanson aux femmes, dès lors qu’elle appartient à cette partie de l’humanité. Elles sont venues pour dire est à la croisée de l'anthropologie et de l'histoire. Sagacité, spiritualité… Mara Cantoni met dans sa composition et son chant tout son mordant de femme déterminée à faire entendre sa voix, à partir d’une approche sociale et politique. Parce que Elles sont venues pour dire est bel et bien une parole politique, une chanson qui, au-delà des schémas de la protestation féministe, veut toucher toutes les femmes de la Méditerranée, aujourd'hui un peu moins silencieuses à l’aune du printemps arabe.

Voilà donc les langues de la Méditerranée, entraînées par le français, langue langoureuse des chanteurs des années Cinquante, mais aussi, tristement, langue du colonialisme autrefois diffusée dans les pays du Maghreb. La chanson est harmonieuse et facile à retenir, mais sûrement pas douceâtre, c’est une sorte de ballade qui prend le contre-pied de l'électronique, une chanson – selon l’artiste - inspirée de « Babelmed » et de sa pluralité.

Elles sont venues pour dire se termine par un oxymore: « c'est un silence qui crie ». La force de cette chanson, qui est déjà passée plusieurs fois sur les ondes italiennes (Radio Popolare, Rai 1 Mattina, Radio tre Suite), se trouve peut-être dans l'union de deux caractéristiques opposées et symptomatiques de la condition féminine actuelle : le silence et le cri qui sont les modes d'une parole longtemps bâillonnée appelée à se délivrer.

Source Babelmed

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