Les pays arabes peinent à relancer leur économie


Les pays sud-méditerranéens ont vu les projets d'investissements étrangers reculer de plus de 25 %. La situation est particulièrement inquiétante en Tunisie et en Égypte.












L'hiver a succédé au printemps. Et il s'annonce long et rigoureux. Un an après leurs révolutions, les pays du Sud méditerranéen peinent à relancer leur économie et à attirer les investisseurs. «Schématiquement, la région se divise entre d'un côté le Maroc, dont l'économie ressemble de plus en plus à celle d'un pays émergent, ou l'Algérie, qui se maintient grâce à ses matières premières énergétiques, et de l'autre côté les pays dont l'économie suscite inquiétudes et interrogations», résume Dov Zerah, directeur général de l'Agence française de développement (AFD).
En Tunisie,en Égypte ou en Jordanie, la situation économique est pire qu'en 2011, menaçant la stabilité des gouvernements en place et faisant planer un risque de nouveaux soubresauts populaires. «Il faut une croissance d'au moins 5% pour stabiliser le chômage dans la zone et selon toute vraisemblance nous serons très en dessous pour 2012», explique Amal Chevreau, chef de projet au sein d'Ipemed. «Même au ­Maroc, les prévisions initiales de hausse de 6 % du PIB ont été revues en baisse, en raison notamment de la sécheresse.»
Le panorama offert par la Tunisie et l'Égypte est celui d'une croissance trop faible aboutissant à une chute des rentrées fiscales et un creusement des déficits budgétaires au moment où les gouvernements, encore fragiles, ne peuvent réduire les dépenses publiques pour ne pas asphyxier leurs populations. Après avoir reculé de 1,8 % en 2011, l'économie tunisienne aborde 2012 encore dans le rouge. Le déficit des comptes courants s'est creusé à 7,4 % du PIB et le déficit budgétaire devrait largement dépasser les 4 % cette année.

«Frilosité des investisseurs»

En Égypte, la situation est tout aussi inquiétante: selon Alexis Karklins-Marchay, responsable du département pays émergents du cabinet Ernst and Young, la croissance égyptienne devrait s'établir entre 1 % et 1,5 % cette année, ce qui conduirait le déficit budgétaire aux alentours de 10 % du PIB. Plus grave, les réserves de change de la banque centrale égyptienne ont chuté de plus de moitié en un an, passant de 36 milliards de dollars en 2010 à 15 milliards fin 2011. Une hémorragie ayant conduit l'agence de notation Fitch à dégrader la note de l'Égypte à «BB-». Le Caire mène actuellement des négociations difficiles avec le FMI pour un prêt d'environ 3,2 milliards de dollars. Pour éviter d'avoir également recours à une telle extrémité, Tunis, de son côté, frappe discrètement à la porte des bailleurs de fonds internationaux afin d'obtenir des prêts courants.
Mais la véritable inquiétude concerne la chute des investissements. Aux incertitudes sur la situation politique de ces pays s'est conjuguée la violente crise budgétaire traversée par l'Europe, qui a considérablement tari les flux disponibles de capitaux. Selon les chiffres compilés par Anima Investment Network, qui doivent encore être affinés dans les prochaines semaines, le nombre de projets d'investissements a reculé de près de 25 % en 2011 dans les 11 pays du Sud méditerranéen. Un bloc hétérogène masquant de fortes disparités puisqu'aux côtés de l'Algérie, d'Israël ou du Liban, qui ont légèrement reculé en 2011 après une année 2010 en forte hausse, on constate une chute de 32 % des investissements en Tunisie et de plus de la moitié en Égypte. En 2011, la Libye a accueilli seulement 17 projets extérieurs et la Syrie 14, essentiellement concentrés sur la première partie de 2011 avant que le pays ne bascule dans la guerre civile. Au total, la zone a accueilli environ 28 milliards de dollars d'investissements, des montants équivalents à ceux de 2009 - année de la crise financière internationale.

Le partenariat de Deauville n'a pas été tenu

«La frilosité des investisseurs n'est pas le plus préoccupant,estime Emmanuel Noutary, déléguégénéral d'Anima Network. Le problème vient des types de projets qui se sont majoritairement investis ces dernières années, et concernent principalement les grandes infrastructures ou l'énergie qui génèrent moins de création d'emplois que les autres secteurs.» Exemple type, les pays du Golfe réalisent en moyenne des investissements de 500 millions d'euros (contre 40 millions en moyenne pour les investisseurs des autres pays), alors que «les investissements les plus urgents pour créer des emplois concernent de plus petits projets locaux autour de l'alimentaire, l'éducation ou l'industrie».
L'inquiétude est palpable aussi du côté des grands bailleurs de fonds. Symbole du malaise ambiant, le partenariat de Deauville en mai 2010 avait promis de débloquer 38 milliards de dollars d'investissement à travers 10 institutions financières internationales au cours des trois prochaines années. Moins de la moitié de ces engagements ont été tenus. Ainsi, la Banque européenne d'investissement (BEI), via son bras armé dans la zone, la Femip, devait apporter 2,6 milliards d'euros. Elle n'en a pour le moment débloqué qu'un milliard, dont 734 millions d'euros pour le Maroc (un record historique pour ce pays) mais seulement 303 millions d'euros pour la Tunisie.
«Le panorama reste fragile à court terme, toutefois les investisseurs auraient tort d'abandonner cette zone», assure Alexis Karklins-Marchay chez Ernst and Young: «L'Afrique du Nord est la porte d'entrée idéale pour les Européens sur un continent qui va connaître une formidable croissance dans les prochaines années.» Un enthousiasme que pour le moment peu de bailleurs de fonds osent vraiment partager.
Par Cyrille Lachèvre - LeFigaro.fr
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