La Méditerranée est à réinventer

« Je lance un appel pour la création d’une convention euro-méditerranéenne » Miguel Angel Moratinos, ancien ministre des affaires étrangères espagnol - Jeudi 5 avril, à l‘Académie diplomatique internationale
 « Il est important et légitime de réfléchir à un nouveau cadre institutionnel pour le bassin méditerranéen. L’approche politique et stratégique de l’Europe doit changer. Il faut repartir de zéro car, sur la rive sud, c’est un monde différent qui est apparu, avec ses révolutions et ses métamorphoses. Il ne faut pas croire qu’on pourra aborder le futur de la Méditerranée avec de vieilles méthodes ou de vieux instruments« .
À 60 ans, Miguel Angel Moratinos, qui s’est exprimé jeudi 5 avril au soir à l’Académie diplomatique internationale, est sans doute l’un des diplomates européens qui connait le mieux le monde méditerranéen. Il a été ambassadeur du royaume d’Espagne en Yougoslavie, au Maroc puis en Israël. En 1996, il est devenu l’Envoyé spécial de l’Union européenne au Proche-Orient pour le processus de paix israélo-palestinien, un poste qu’il occupera pendant plus de six ans. De 2004 à 2010, il a été ministre des affaires étrangères de José Luis Zapatero.
« Le partenariat n’était pas équilibré »
« Depuis plus de vingt ans, les diplomaties européennes ont essayé d’inventer des structures de coopération en Méditerranée« , rappelle-t-il. « En 1990, la France, l’Espagne et l’Italie ont lancé le dialogue 5 + 5, qui rassemble les pays de la Méditerranée occidentale, cinq du Nord, et cinq du Sud. Après le lancement du processus de paix israélo-palestinien en 1993, l’Espagne a initié le processus de Barcelone, impliquant l’Union européenne et tous les pays riverains de la Méditerranée. Il visait à favoriser l’entente, la coopération et la paix en privilégiant une approche globale et intégrant une grande gamme de sujets. Puis la France a lancé l’Union pour la Méditerranée en cherchant à rehausser le niveau d’engagement politique et à se concentrer sur des projets concrets« .
« Une coquille vide de réalités politiques »
« Aujourd’hui, on peut dire que ces démarches souffraient d’une asymétrie grave, que le partenariat n’était pas équilibré« , assène Miguel Angel Moratinos. » Ces structures étaient imposées par le Nord à des acteurs qui avaient des structures politiques ne disposant pas de la légitimité démocratique qui leur aurait donné une capacité à négocier, à répondre aux initiatives européennes. Ce partenariat s’est révélé une coquille vide, vide de réalités politiques« .
« Pas de prêt-à-porter idéologique »
Sur quelles bases rebâtir un cadre de coopération ? D’abord en respectant les processus en cours sur la rive sud, conseille l’ancien ministre des affaires étrangères. « Les Européens doivent appuyer les secteurs les plus dynamiques de façon équitable, sans arrière pensée d’influence, sans prêt-à-porter idéologique, sans modèle à imposer« , recommande-t-il. « C’est aux acteurs du Sud de se battre pour le type de société qu’ils veulent bâtir. C’est à eux d’orienter leur destin, leur avenir. C’est aussi à eux de dire jusqu’où ils sont intéressés par un partenariat avec le Nord. Peut-être sont-ils plus intéressés par l’Est? Par le Sud?« .
« La Tunisie, hôte d’une convention euro-méditerranéenne »
Considérant implicitement que les pays du Maghreb, en particulier, sont soucieux de développer leurs relations avec l’Europe, Miguel Angel Moratinos propose que que la réflexion sur un nouveau cadre institutionnel soit menée au sein d’une « convention euro-méditerranéenne« .  "Pendant six mois, des hommes politiques, des parlementaires, des représentants de la société civile, des hommes d’affaires, des hommes de culture, des journalistes débattraient et échangeraient dans une sorte de processus constituant. La Tunisie pourrait en être le pays hôte"
Par Jean-Christophe Ploquin

Aucun commentaire: