Les pays riverains peuvent-ils s’entendre pour protéger la Méditerranée ?

Lucien CHABASON  - Président du plan Bleu (1)
« Les pays ont la tête ailleurs »
« D’une certaine manière, le programme d’action pour la Méditerranée (Pam) est exemplaire. Tous les pays sont capables de se réunir autour d’une même table : les Turcs parlent aux Chypriotes, les Israéliens aux Libanais et aux Syriens, etc. L’environnement a ceci de particulier qu’il permet aux pays de mettre leurs conflits politiques en veilleuse pour coopérer. Ainsi la politique ne franchit pas la porte du Pam, car toute politisation des débats condamne forcément à l’échec.

Mais telle est précisément la limite de l’exercice. Le Pam reste cantonné à des réunions d’experts. Il souffre d’un double déficit d’ambitions politiques et de moyens financiers. La 17e réunion des Parties (réunissant les 21 États riverains et l’Union européenne) qui s’est tenue récemment à Paris en est une parfaite illustration : trente-sept ans après le lancement du programme, il n’est toujours pas possible de faire un diagnostic exhaustif de l’état de l’environnement en Méditerranée.

Les cartes restent marquées de vastes zones blanches sans données sur la pollution, la surveillance de la pollution restant de la responsabilité des États, plus ou moins motivés sur le sujet. La conférence a en outre été largement consacrée à l’adoption d’un plan de rigueur, notamment pour compenser les contributions restées impayées par plusieurs États, alors même que le budget global de 5 millions d’euros est bien modeste eu égard aux enjeux de dépollution de la Méditerranée.

Le contexte politico-économique n’est, il est vrai, guère favorable. Où vont la Grèce, l’Italie, l’Espagne, les révolutions arabes ? Face à ces points d’interrogation, l’environnement est en repli. Les pays ont la tête ailleurs. Et même si l’Union européenne a accepté de verser au pot un million d’euros, elle n’est plus la locomotive qu’elle était au cours des années 1990, au moment où les pays européens riverains ont profité à plein de ses financements pour assainir les eaux usées rejetées en mer.

Il est loin le temps de la politique euro-méditerranéenne qui ambitionnait de transformer la rive sud de la Méditerranée comme la rive nord. Et avec l’effondrement de la Grèce, l’UE a perdu sa vitrine sur la Méditerranée. Dans ce contexte difficile, le plan Bleu continue de plaider sans relâche pour la prise en compte des enjeux d’environnement et de ressources naturelles qui sont plus impérieux que jamais. »

Roland COURTEAU
« Il faut réformer la Gouvernance »

« On a trop longtemps considéré que la mer Méditerranée pouvait tout supporter. Mais cette mer est petite et, parce qu’elle est quasiment fermée, ses eaux mettent un siècle pour se renouveler. Elle est donc plus vulnérable aux pollutions que les océans. Or elle subit une pression anthropique colossale et celle-ci va s’accentuer dans les décennies à venir. Si nous ne sommes pas capables de réagir dans les vingt ans qui viennent, la situation deviendra irrattrapable. Pour sortir de l’impasse actuelle et faire de ce dossier un enjeu prioritaire, il est nécessaire de réformer et d’unifier la gouvernance.

C’est la première proposition que je formule dans mon rapport. Car les échelons de coopération entre pays riverains se sont amoncelés – Union européenne, plan d’action pour la Méditerranée (Pam) lancé en 1975, Union pour la Méditerranée (UPM) de 2008 – sans pour autant apporter de manière décisive des réponses pour enrayer la progression de la pollution, même si, ici ou là, du bon travail a été entrepris. L’UPM qui voulait apporter un cadre de cohérence politique au codéveloppement entre l’Europe et les États riverains non membres, notamment dans le domaine de l’environnement, est déjà encalminée. Elle bute précisément sur des problèmes politiques.

Le Pam, après plus de trente ans d’existence, reste dépendant du bon vouloir des États signataires, et l’on a tout lieu de s’inquiéter pour son avenir dans la mesure où ses moyens financiers se raréfient alors que les protocoles qu’il est chargé de faire respecter, eux, se multiplient. Une solution serait de créer une agence de protection de l’environnement et de promotion du développement durable en Méditerranée sur la base du volontariat et non d’un accord politique général.

On peut imaginer différentes manières de créer cette agence : soit l’UPM disparaît, soit l’agence est créée en son sein, le Pam pouvant être intégré à l’agence. L’important réside dans le volontariat et surtout dans l’abandon de la règle de l’unanimité que l’on n’obtient jamais. Les investissements doivent être décidés à la majorité qualifiée (dont le seuil serait à déterminer). »

(1) Programme d’action régional dépendant du plan d’action pour la Méditerranée de la convention de Barcelone.
Recueilli par MARIE VERDIER

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