Algérie - Les capitaux arabes occupent la place laissée libre par les occidentaux


Partira, partira pas. Viendra, viendra pas. D’ArcelorMittal à Djezzy en passant par Renault, le débat sur l’investissement étranger qui ne représentent pourtant encore qu’à peine 2% de l’investissement réalisé en Algérie au cours des dernières années, continue de faire la une de l’actualité économique
En dépit des dénégations de la communication gouvernementale, le début de désillusion provoqué par les déclarations récentes du P-DG  de Renault  renvoie  à nouveau aux dégâts causés par l’instabilité chronique qui caractérise le cadre juridique de l’investissement ainsi qu’aux ambiguités de la politique d’ouverture inaugurée au début de la décennie écoulée.

Les annonces qui n’ont pas manqué au cours des dernières semaines permettent sans doute de dessiner les principaux contours et les tendances  de ce que sera le paysage de l’investissement étranger en Algérie au cours des prochaines années. Commençons par le cadre juridique.
Au milieu du mois de janvier dernier, une journée d’étude organisée par le cabinet Ernst et Young n’a pas reçu l’écho qu’elle mérite. Une fiscaliste travaillant pour le compte de ce cabinet d’audit de réputation internationale, Mme Deana Jouany d’Almeida, y disséquait les nouvelles dispositions contenues dans la loi de finances 2012.Elle soulignait en substance que les entreprises à capitaux étrangers, implantées en Algérie avant l’entrée en vigueur de LFC 2009, peuvent désormais “tomber sous le coup de la règle des 51/49  en cas de cession ou d’échanges d’actions entre leurs nouveaux et anciens administrateurs si la valeur desdites actions dépasse 1% du capital social de l’entreprise ainsi qu’en cas de modification dans la répartition du capital social”.

Règle du 51/49 : le gouvernement enfonce le clou…
Ces nouvelles dispositions qui mettent les sociétés étrangères, implantées dans le pays avant la promulgation de la LFC 2009, dans l’obligation d’algérianiser la majorité de leur  capital à la moindre modification dans les statuts ont au moins l’avantage d’indiquer clairement la direction dans laquelle travaille le gouvernement algérien.
Les missions du FMI ont beau souligner que l’Algérie “ne profite pas des flux d’investissements internationaux dirigés de façon croissante  vers les pays du Sud”, les  partenaires internationaux peuvent inviter les autorités algériennes  à plus de “souplesse” dans l’application de leur nouvelle  stratégie. Le gouvernement semble bien décidé à enfoncer le clou.
Les conséquences sont déjà visibles. Un rapport confidentiel établi voici un peu plus d’un an  par une mission d’experts européens en déplacement à Alger  dans le cadre de l’évaluation de l’Accord d’association avec l’Union européenne  avertissait : “Le nouveau régime des investissements  adopté par les autorités algériennes introduit une incertitude dans les décisions d’investissement des entreprises européennes en Algérie, en particulier dans des secteurs clés pour le rééquilibrage de la balance commerciale, comme les biens d’équipement et les biens de consommation. Toutes les enquêtes auprès des entreprises le montrent, le changement de cadre institutionnel affecte gravement l’image et les décisions des investisseurs et très vite ces mesures risquent de se révéler contre- productives”.
L’attentisme qui caractérise actuellement la plupart des investisseurs occidentaux - dont “l’affaire Renault” n’est qu’un exemple - n’est donc pas une surprise pour tout le monde…

L’exception des hydrocarbures
Notons, comme on ne plaisante pas avec les “choses sérieuses”, que les lignes ont déjà commencé à bouger dans le secteur des hydrocarbures.
On sait que les  appels d’offres lancés en 2010 et 2011 dans le cadre de la loi Khelil 2006 ne suscitent pas de bousculade de la part des compagnies internationales. Leur  prise de distance  avait même pris récemment des allures de boycott. C’est dans ce contexte que le ministère algérien de l’Énergie a annoncé dernièrement une prochaine modification de la loi en vue de rétablir un équilibre juridique et fiscal à même de relancer l’attractivité des activités amont en Algérie. Le contrat annoncé la semaine dernière entre Sonatrach qui prend une participation de 40% dans l’exploitation du champ gazier de Reggane et trois partenaires étrangers dont l’espagnol Repsol et l’italien Edison donne certainement des indications sur un  “pragmatisme” qui reste pour l’instant limité au secteur des hydrocarbures. 

Une diversification  sectorielle limitée
La politique d’ouverture à l’investissement étranger mise en œuvre à partir du début de la dernière décennie avaient été marquée par une faible diversification sectorielle de l’investissement qui a peu concerné l’industrie et s’est surtout concentré dans les services ; principalement la téléphonie mobile et dans une moindre mesure le secteur bancaire. Les tendances récentes et les projets annoncés  indiquent que les orientations  de l’investissement étranger devraient continuer à toucher au cours des prochaines années un nombre réduit de secteurs économiques . L’observatoire  méditerranéen Anima signalait dans son dernier rapport  pour l’année 2011 que les principaux  projets approuvés depuis l’adoption de la nouvelle réglementation se concentrent d’abord sur le secteur de l’immobilier de luxe avec les projets Dounya Park  et Émiral  dans la région d’Alger. La sidérurgie pourrait être le deuxième axe de cette orientation des investissements avec l’extension prévue des capacités du complexe ArcelorMittal de Annaba et un projet qui reste à finaliser avec des partenaires qataris sur le site de Bellara. Au total, des projets qui devraient en raison principalement de la réserve manifestée par les investisseurs occidentaux, participer de façon limitée à la diversification recherchée de l’économie algérienne.

Des partenaires “privilégiés”
En raison de l’importance des projets pilotés par un petit nombre d’investisseurs qataris et émiratis, la période à venir ne devrait en outre pas déroger à la règle qui a consisté jusqu’ici dans le choix par les autorités algériennes d’un nombre réduit de partenaires privilégiés, une orientation illustrée au cours des années 2000 par  l’importance prise par le groupe Orascom dans les flux d’investissement étranger. À lui seul, le holding égyptien a représenté près  de 40% des investissement étrangers réalisés en Algérie. Le groupe est présent non seulement dans la téléphonie mobile mais il a pris également une part importante au programme de développement de la pétrochimie algérienne en association avec Sonatrach, ainsi qu’à l’installation  d’usines de dessalement d’eau de mer ou encore à la construction de la plus grande cimenterie du pays. Ce partenariat privilégié va vite se révéler comme un facteur de fragilité. La dégradation des relations entre les deux parties à partir de l’année 2007  a plongé l’ensemble de la démarche d’ouverture dans une période de crise.
Tout se passe comme si le clientélisme, tendance lourde du système politique et économique algérien s’était greffé sur la politique d’investissement en lui imposant sa propre logique fondée sur  un choix ciblé de partenaires et de parrainages obligatoires.
Par : Hassan HADDOUCHE – Liberté Algérie

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