Méditerranée - Erdogan en mission de séduction en Tunisie

M. Erdogan, qui s’est voulu plutôt rassurant quant à l’avenir des deux pays, n’est pas venu tout seul. Il est accompagné d’une délégation de plus de 200 hommes d’affaires sans compter le vice-premier ministre chargé des Affaires extérieures, les ministres des Affaires étrangères, de la Défense, des Ressources naturelles et de l’Energie, de l’Economie et du Transport.
A voir seulement l’importance de la délégation, on comprend que les Turcs ont voulu que cette visite marque un tournant historique dans les relations entre la Turquie et la Tunisie, mais aussi avec les pays arabes libérés de la dictature.

Le pays de Kamel Atatürk, qui a soutenu la Tunisie pendant la révolution du 14 janvier, a de grandes ambitions pour notre pays. Plus que de donner un coup de pouce à un pays qui traverse une très mauvaise passe, la Turquie veut renforcer son partenariat avec la Tunisie dans tous les domaines. Un traité d’amitié et de coopération vient d’ailleurs d’être signé. On peut même s’étonner qu’on ait attendu si longtemps pour le faire, tant les deux pays ont des affinités, et pas seulement historiques.

«Islam et démocratie ne sont pas contradictoires»
M. Erdogan a rappelé les bonnes relations qui lient depuis toujours les deux peuples si proches. «Nos peuples se ressemblent tant. Nous avons en Turquie un village portant le nom de Tounssyia. Nos drapeaux se ressemblent par la couleur, le croissant est le même et l’étoile est la même étoile», a-t-il lancé à un parterre de journalistes du monde entier. La salle de conférence avait du mal à contenir tout ce beau monde. Faute de place, les douze rédacteurs en chef de journaux turcs n’ont pas pu y assister.
Le Premier ministre sait que la Tunisie pourrait basculer dans le camp des islamistes d’Ennahdha et que beaucoup de Tunisiens s’en inquiètent. C’est pourquoi il a tenu à rassurer en citant le modèle de la Turquie, un pays démocrate, laïc, social et de droit. «La Tunisie pourrait devenir un Etat de démocratie tout en étant un pays majoritairement peuplé de Musulmans», a-t-il dit. Et de préciser, afin d’être bien compris : «L’individu peut ne pas être laïc. Mais l’Etat doit l’être. Et le Musulman pourrait diriger un Etat laïc, où toutes les religions sont traitées à pied d’égalité». Interrogé à propos d’Ennahdha, Erdogan s’est contenté de dire : «Nous respectons le choix du peuple tunisien». C’était là, on l’a compris, le principal message du jour, et il vaut son pesant de votes pour Ennahdha.
«L’Islam et la démocratie ne sont pas incompatibles. Nous avons échangé les idées et on s’est arrêté sur cette vérité. Nous nous sommes mis d’accord pour lutter contre le terrorisme et l’extrémisme de droite ou de gauche», a enchéri Beji Caïd Essebsi.

La volonté du peuple se traduira par les urnes
Au programme du jour du chef du gouvernement turc, après l’entretien avec Foued Mebazâa, président par intérim, il devait rencontrer plusieurs chefs de partis. «Nous souhaitons qu’après les élections du 23 octobre, la Tunisie trouve son chemin et entre de plain pied dans la démocratie. C’est la volonté du peuple qui doit passer. Nous comptons sur nos frères tunisiens pour ouvrir la voie à des élections libres et transparentes et prouver au monde entier qu’ils sont sur la bonne voie», a-t-il souhaité. Selon lui, l’année 2012 sera une année marquée par les élections et la Tunisie doit démontrer aussi que la démocratie et l’Islam ne sont pas incompatibles, comme l’a démontré la Turquie avec 99% de Musulmans dans sa population. «Nous n’avons aucun problème. Si nous, nous y sommes arrivés, je ne vois pas pourquoi la Tunisie n’y arriverait pas», a-t-il insisté.
M. Erdogan a promis de soutenir n’importe quel parti choisi par le peuple. Pour ce, il a esquissé une feuille de route. Et c’est l’objet de sa visite. «La coopération de la Turquie va s’intensifier dans tous les domaines (politique, économique, social et touristique)», a-t-il rappelé. Et de poursuivre que son pays s’engage à œuvrer avec n’importe quel parti qui aura la majorité des voix dans la constituante et conduira le pays vers la démocratie.

Aux Tunisiens de montrer l’exemple
«Vous, les journalistes tunisiens et étrangers, avez couvert les événements de la révolution tunisienne. Grâce à vous, la révolution du jasmin s’est déplacée rapidement en Egypte, au Yémen, en Libye, au Bahreïn et en Syrie. Nous aurions souhaité que les révolutions ne se fassent pas dans le sang, mais par la réflexion et les élections», a-t-il rappelé. Et d’ajouter que, relativement, les révolutions en Tunisie et en Egypte, se sont soldées par de moindres dégâts. Il pense ici aux massacres et aux crimes de guerre commis dans les autres pays encore sous le joug de la terreur.
«La Tunisie qui ressemble tant à la Turquie sera plus forte après les élections transparentes. Entre la Tunisie et la Turquie, une bagatelle de 1 milliard de dollars en échanges économiques, ceci est très peu et nous pouvons faire beaucoup mieux. Nous devons nous rapprocher plus et doubler d’efforts pour plus d’échanges commerciaux», a insisté le Premier ministre. A part, l’économie et l’industrie, un partenariat avec le ministère de la Défense n’est pas exclu.

La Turquie comme modèle à suivre
«Nous allons encourager nos compatriotes à investir davantage en Tunisie. Nous comptons même faire un jumelage entre nos deux villes. Tunis et Istanbul seront encore plus belles», a-t-il souligné. Selon le Premier ministre turc, il n’y a pas de quoi omettre un pont maritime entre les deux pays qui s’ouvrent sur la Méditerranée. Il regrette notamment de ne pas voir des navires et plus d’échanges dans le tourisme et l’éducation. «Il est impératif de développer le secteur maritime et par-delà le tourisme. Le nombre de Turcs qui souhaitent venir en Tunisie pourrait atteindre les 30 millions par an», a-t-il annoncé. Et de rappeler qu’avant son arrivée au pouvoir, il y a neuf ans, le tourisme était seulement limité au soleil, à la mer et aux plages. «Nous avons dû changer de stratégie et revoir la politique de ce secteur», a-t-il ajouté, fier des résultats obtenus ces dernières années. «Notre tourisme se trouve dans les montagnes, touche au golf, au ski, à la santé, au tourisme thermal... Nous occupons l’une des meilleures positions au monde...», a-t-il encore dit, comme pour montrer la voie de la réussite.
Dans le domaine de l’éducation, les deux peuples ont des options à la carte pour élever le niveau estudiantin. M. Erdogan aimerait bien voir des étudiants tunisiens faire leurs études dans les universités turques et vice-versa. Pour ce, le projet Mawlana prendra bientôt forme. Il s’agit d’un partenariat entre les universités tunisiennes et turques.
Interrogé sur les relations actuelles avec l’Etat d’Israël, M. Erdogan a dit: «Vous allez voir des navires militaires turcs dans la Méditerranée qui n’appartient pas seulement à Israël. Notre position est claire et nos relations ne se normaliseront qu’après que l’Etat hébreu aura demandé des excuses concernant la flottille de Gaza, dédommagé les familles des neuf martyrs et levé le blocus à Gaza», a-t-il expliqué. Un message clair et sans ambages et qui ira droit au cœur de tous les Tunisiens.
Par Kapitalis.com
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