Méditerranée - Politiques migratoires : un hiver européen contre un "printemps arabe"

Les politiques européennes d'asile et d'immigration ont été à l'ordre du jour du Conseil européen les 23 et 24 juin à Bruxelles. L'arrivée de migrants du sud de la Méditerranée suite aux révolutions arabes a amené la France et l'Italie à contourner les règles applicables dans l'espace Schengen, remettant en cause cet acquis communautaire.

Plus généralement, les mesures d'urgence envisagées par le Conseil pour faire face à la pression migratoire restent insuffisantes : elles révèlent un réflexe de fermeture et une gestion sécuritaire excessive de ces questions. De fait, une politique migratoire européenne responsable et solidaire passe par un renforcement réel du contrôle européen des frontières extérieures, une amélioration des conditions de délivrance des visas Schengen, des partenariats enfin équilibrés avec les pays d'émigration, et un régime d'asile européen commun exemplaire.

Les débats européens sur la gestion des flux migratoires en provenance du sud de la Méditerranée, suite au déclenchement du printemps arabe et de la guerre en Libye, ont été particulièrement difficiles. Les échanges du Conseil européen les 23 et 24 juin en matière de frontières, d'asile et de migration ne devraient pas être moins tendus que ceux sur le sauvetage de la Grèce.

Le vif différend franco-italien sur le sort des migrants arrivés à Lampedusa a non seulement reflété un manque de solidarité et de responsabilité regrettable, mais a conduit à faire accepter la possibilité d'un rétablissement des frontières intérieures en cas de contrôle défaillant des frontières extérieures Schengen. La perspective d'une révision des règles Schengen, qui est à tous points de vue une régression, n'est malheureusement pas la seule mesure susceptible de nous inquiéter.

Les mesures d'urgence que le Conseil doit adopter pour faire face à cette pression migratoire sont très insuffisantes : les Etats restent réticents à l'octroi d'une protection temporaire aux réfugiés, la mise en place de programmes de réinstallation et des concessions en matière de libéralisation des visas. Cette approche très restrictive se retrouve dans les lignes rouges du Conseil pour le parachèvement du régime d'asile européen commun et la mise en place d'un partenariat global avec les pays du voisinage méridional.

Particulièrement inquiète devant ces orientations, la commissaire européenne aux affaires intérieures, madame Malmström, a tenu à marquer la célébration du 26e anniversaire de l'accord Schengen le 14 juin et de la journée mondiale des réfugiés le 20 juin, en appelant les Etats européens à préserver et protéger l'espace Schengen, qui est l'une des réussites les plus tangibles de l'Union, à renouveler leurs engagements en matière d'asile et à aider les pays tiers recevant les personnes déplacées de Libye, notamment en procédant à des programmes de réinstallation.

Ces débats ne sont que le reflet d'une approche sécuritaire excessive des questions migratoires et un réflexe de fermeture qui ne peut qu'être contreproductif pour une Europe vieillissante et qu'alimenter son déclin politique et économique.

L'approche globale européenne en matière migratoire doit donc urgemment être équilibrée, en faisant prévaloir une approche des questions migratoires par les droits individuels et non par un biais sécuritaire, en adoptant une logique d'opportunité, concevant les migrations comme un vecteur de richesse culturelle et économique, et non comme un fardeau, et en concluant des partenariats enfin équilibrés, fondés sur une conditionnalité mutuelle, avec les pays d'émigration.

L'amélioration des règles Schengen ne passe pas par la possibilité de rétablir les frontières intérieures, mais par un renforcement du contrôle européen des frontières extérieures, via la mise en place d'un système européen de garde-frontières, des moyens financiers plus importants pour aider les Etats membres en difficulté, et une amélioration des conditions de délivrance des visas Schengen.

Le régime d'asile européen commun doit enfin être exemplaire, tout comme les conditions d'accueil et de détention des migrants en Europe. La capacité des Etats à assurer un retour volontaire doit être renforcée et un programme européen commun de réinstallation, très rapidement créé et piloté par une unité permanente de la Commission européenne.
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Retrouvez l'intégralité de cette note sur le site de Terra Nova :
http://www.tnova.fr/note/politiques-migratoires-un-hiver-europ-en-contre-un-printemps-arabe

Par Mathilde Lanathoua, coordinatrice du pôle "Europe" de Terra Nova
Source LeMonde.fr
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/06/27/politiques-migratoires-un-hiver-europeen-contre-un-printemps-arabe_1541351_3232.html




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