Méditerranée - Pourquoi nous devons investir dans le bassin méditerranéen

Pourquoi nous devons investir dans le bassin méditerranéen
Après les mouvements populaires contre les régimes dictatoriaux du sud de la Méditerranée et du Moyen-Orient, le succès de la transition démocratique va dépendre de l'évolution des conditions politiques, mais également de l'économie.
Dans ces pays où des générations très nombreuses arrivent sur le marché du travail, le développement économique constitue un enjeu crucial, comme ce fut le cas pour les pays d'Europe de l'Est après la chute du mur de Berlin. Etant donné la proximité géographique et les liens forts qui unissent les deux rives de la Méditerranée, les entreprises européennes ont un rôle clef à y jouer pour contribuer à la croissance et à la stabilisation démocratique.

Les raisons qui ont poussé les populations dans les rues sont bien à chercher dans la situation sociale et économique. L'illustration la plus flagrante en est le taux de chômage très élevé d'une population majoritairement jeune et souvent bien formée qui aspire à des emplois porteurs chez elle et un avenir plus prospère. D'après l'OCDE, il faudrait créer dans les pays du pourtour méditerranéen au minimum 40 millions d'emplois dans les quinze ans pour y contenir le chômage à son niveau actuel.

Seuls quelque 3 % des investissements européens se font aujourd´hui au sud de la Méditerranée. Beaucoup reste donc à faire pour aider ces pays à ouvrir une nouvelle page de leur histoire et pérenniser leur démocratie

L'Europe a l'opportunité d'y accompagner le changement dans le prolongement des politiques de partenariat et d'intégration déjà élaborées (processus de Barcelone et Union pour la Méditerranée). La volonté politique ne peut pas tout à elle seule. Elle doit se doubler d'une réelle coopération économique à laquelle les entreprises européennes sont fortement incitées à participer. Seuls quelque 3 % des investissements européens se font aujourd´hui au sud de la Méditerranée. Beaucoup reste donc à faire pour aider ces pays à ouvrir une nouvelle page de leur histoire et pérenniser leur démocratie.

A condition aussi que les investissements s'y avèrent économiquement rentables. C'est là que se trouve pour moi la véritable chance de construire un partenariat gagnant-gagnant séduisant, en s'appuyant sur les complémentarités de chacun et en garantissant un modèle économique équitable et viable. D'après une étude de l'Institut de prospective du monde méditerranéen, l'intégration économique constituerait une vraie opportunité pour les industries européennes de maintenir leur compétitivité face, notamment, à la montée en puissance de l'Asie. En s'implantant en Afrique du Nord, elles bénéficieraient d'une main-d'oeuvre bien formée, à un moment où celle-ci, compte tenu des perspectives démographiques dans de nombreux pays d'Europe, a tendance à se raréfier dans certains secteurs comme dans l'aéronautique. De l'autre côté, les investissements et les projets d'entreprises européennes ne peuvent qu'y stimuler l'économie locale, y permettre la création de richesse et favoriser l'emploi.

Le défi est similaire à celui auquel l'Europe a été confrontée dans les pays d'Europe de l'Est après la chute du mur de Berlin. Les entreprises européennes s'y sont rapidement développées, soutenant la création d'un tissu économique local performant qui a permis d'éviter un exode massif des populations. A condition d'y avoir des régimes démocratiques stables, ces pays voisins représentent aussi des débouchés potentiels séduisants. Rien que le pourtour méditerranéen est quasi aussi vaste que toute l'Europe centrale et de l'Est, Russie comprise.

Airbus a déjà traversé la Méditerranée. On compte quelque 10.000 emplois au Maroc dans la filière aéronautique. Dans la filiale d'EADS, Aerolia, 150 personnes en Tunisie produisent des pièces élémentaires d'aérostructure pour Airbus. En 2013, une nouvelle usine de 10.000 mètres carrés y emploiera au final 750 personnes, sans compter tous les emplois indirects via l'intégration d'un réseau local de fournisseurs et l'installation de sous-traitants. Un projet porteur.
Mais ne voyons pas non plus cette usine comme un concurrent qui va prendre des emplois aux sites français. La compétitivité d'Airbus, qui doit permettre de pérenniser les emplois sur les sites européens, passe par un développement de sa présence à l'international. Et si une telle stratégie peut contribuer au renforcement de l'économie tunisienne et à l'amélioration de la compétitivité de son industrie, c'est parfait !
Ainsi, les complémentarités de part et d'autre de la Méditerranée peuvent garantir une mondialisation profitable à tous, celle de la démocratie en premier lieu. A condition qu'acteurs politiques, sociaux et économiques s'engagent dans la même voie.
Par Thomas Enders - LesEchos.fr
Source http://lecercle.lesechos.fr/node/35299

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