Algérie : cap sur les énergies solaire et nucléaire

L’Algérie souhaite dépendre moins des hydrocarbures et envisage de développer des énergies nouvelles et renouvelables - telles que le solaire et l’éolien - pour continuer à produire de l’électricité. Des discussions autour du nucléaire civil sont également en cours.
L’Algérie encourage le développement des énergies nouvelles et renouvelables. Cette stratégie permettrait de substituer graduellement l’utilisation du gaz, qui à ce jour constitue la seule ressource pour la production d’électricité du pays, par d’autres énergies telles que le solaire et le nucléaire civil. Dans cette perspective, l’Allemagne, qui souhaite pour sa part sortir du nucléaire, est sans doute le premier allié de l’Algérie. D’ailleurs, lors de sa visite officielle en Allemagne en décembre dernier, le président Abdelaziz Bouteflika a insisté sur l’importance du projet Desertec, piloté par des entreprises allemandes. Ce dernier vise à créer d’ici 40 ans un vaste réseau d’installations éoliennes et solaires en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Ce projet, jugé utopique par la plupart des industriels européens, comme nous l’a indiqué Pierre Matarasso, responsable du département des Energies Renouvelables au CNRS, est censé fournir, à terme, jusqu’à 15% de la consommation d’électricité de l’Europe. En revanche, la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, bien qu’aucun accord n’ait encore était signé, le soutiennent. L’objectif recherché à travers la mise en place de ce projet est d’arriver au terme de cette période à produire 40% des besoins en électricité du pays à partir de l’énergie solaire et éolienne en 2020.

Le choix des énergies nouvelles et renouvelables
L’Algérie envisage de produire, d’ici 2030, environ 20 000 MW d’électricité à partir de l’énergie solaire, dont la moitié devrait être exportée. Abdelaziz Bouteflika vient d’autoriser la mise en œuvre d’un important programme de promotion des énergies renouvelables sur les vingt prochaines années. Selon cder.dz, le coût de l’investissement est évalué à plus de 62 milliards de dollars. Cette action permettrait d’économiser près de 600 milliards de mètres cube de gaz sur une période de 25 années. L’enjeu serait donc d’économiser le gaz. Pour William Ramsay, le responsable du programme Energie de l’IFRI, ces chiffres sont étranges. Et en ce qui concerne le coût de l’investissement, il s’interroge sur la provenance de cet argent. « Mis à part des investissements étrangers, je ne vois pas comment l’Algérie pourrait investir tous ces milliards. Ces chiffres cachent quelque chose (…) » estime-t-il.

« Nous disposons de sources d’énergie nouvelles et renouvelables permettant de conforter la croissance économique et le développement durable du pays », déclarait le conseiller à la présidence, Mohamed Ali Boughazi, lors d’une rencontre sur l’industrie des énergies renouvelables le 3 avril dernier à Alger. M. Ramsay pense, lui, que parler d’énergies nouvelles et renouvelables sont « des effets de mode ». « C’est cher et c’est une technologie qui n’est précisément pas encore au point. Ce n’est pas économiquement pratique, mais ce ne sont que des projets et il faut du temps. Il y a plusieurs phases et notamment l’expérimentation par des entreprises étrangères. Le Maroc, lui, a déjà commencé en ce sens, mais je ne pense pas que ce soit réellement le moment de dépenser l’argent des Algériens. Par contre, si l’Union Européenne ou les Etats-Unis acceptent de financer le projet, alors pourquoi pas (…), » a-t-il ajouté. M. Matarasso, quant à lui, à un avis plus modéré sur la question. D’après lui, les centrales solaires ont de nombreux intérêts pour le Maghreb et notamment pour l’Algérie, comme les hautes températures dans cette région. « C’est un endroit idéal pour développer des centrales solaires et l’Algérie deviendrait dans le futur, pour remplacer le pétrole qui n’existera plus d’ici une trentaine d’année, le pourvoyeur d’une ligne d’électricité solaire vers l’Afrique et l’Europe. »

Un programme nucléaire ?
D’autres part, les autorités algériennes ont clairement affiché leur intérêt quant au développement du nucléaire civil. Le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, a reçu, en février, son homologue sud-coréen, Kim Sung Hwan, à Alger. « Nous allons sceller un accord de coopération dans le domaine du nucléaire pacifique », a alors expliqué M. Medelci. La Corée du Sud a acquis une grande expérience en la matière. C’est le pays qui a construit le plus grand nombre de réacteurs atomique dans le monde.

Donc, pour l’Algérie, développer le nucléaire en partenariat avec la Corée du Sud serait une aubaine. Mais M. Medelci n’a pas exclu la possibilité de signer des accords similaires avec d’autres pays. « En ce qui concerne l’Algérie, nous avons des atouts exceptionnels si nous mettons en relief à la fois les programmes de développement qui sont en réalisation, à même de donner, encore plus que par le passé, l’occasion aux entreprises sud-coréennes de participer à leur réalisation et de s’implanter durablement dans le marché algérien », a souligné Kim Sung Hwan.

A ce propos, le responsable du Département des Energies renouvelables au CNRS a précisé que dans les années 70, la France imaginait une cinquantaine de centrales nucléaires autour du bassin méditerranéen. Mais très vite, elle s’est rendue compte que ces implantations n’étaient guère possible de par le coût des investissements beaucoup trop élevé et la « question de la prolifération » pour les pays du Sud. « La question s’est posée pour l’Iran, le Pakistan et la Corée du Nord où le risque de passer du nucléaire civil au nucléaire militaire est trop important. Cependant il n’est pas impossible que l’Algérie travaille avec la Corée du Sud pour ce projet. Non seulement les prix de vente en Corée du Sud sont attractif et ils sont rapides, mais en toute rigueur il faudrait qu’une stabilité politique existe déjà au sein du pays qui souhaite se doter du nucléaire. Et pour le moment, ce n’est pas le cas en Algérie qui en plus est un pays à fort potentiel en terme de terrorisme. Cela pourrait représenter un danger dans les années à venir. Nous ne savons pas encore qui gouvernera le pays après Abdelaziz Bouteflika », explique Pierre Matarasso. Le responsable du programme Energie de l’IFRI est du même avis que M. Matarasso. « C’est un projet faisable mais non désirable. Effectivement, la Corée du Sud peut monter une centrale nucléaire moins cher et plus vite que l’Union Européenne. Mais est-ce la meilleure façon de fournir de l’électricité ? Il faut comparer », déclare-t-il.

L’appui des Etats-Unis et l’agacement de la France
Les Etats-Unis apportent leur soutien à l’Algérie dans ce programme nucléaire. Mme Burk, la représentante spéciale du président Barack Obama pour la non-prolifération nucléaire, a indiqué, lors d’une conférence de presse tenue à l’ambassade des Etats-Unis à Alger en février, que « les Etats-Unis d’Amérique appuient tous les pays qui développent l’énergie à des fins pacifiques, dont l’Algérie ». Ces déclarations sont assez paradoxales, car en ce qui concerne le classement des pays dits « à risques » dans le monde, les services de l’intelligence (FBI, CIA…) et le Département de la Sécurité Intérieure américain ont classé l’Algérie dans le top 10 des pays à risques sponsorisant le terrorisme. Mais pour M. Ramsay, « il n’y a pas de raison que les Etats-Unis ne soutiennent pas l’Algérie. Si l’Algérie achète des réacteurs, les américains vont vouloir leur en vendre. Ce pays en a le droit mais d’un point de vue économique rien n’est sûr. Au niveau de la sûreté c’est pareil, nous avons tous été témoins de la catastrophe à Fukushima et désormais les constructeurs réfléchiront davantage avant de vendre. » « En ce qui concerne le classement de l’Algérie par les Etats-Unis dans les pays à risques, nous pouvons supposer que Barack Obama soutient ce projet uniquement pour ne pas froisser les Algériens, étant persuadé qu’aucune centrale nucléaire ne verra jamais le jour an Algérie », ajoute-t-il. M. Matarasso trouve, lui, très étonnant que les Etats-Unis apportent leur soutien à ce projet nucléaire. D’après lui, « l’Agence Internationale des Energies Atomiques (AIEA) peut considérer cette décision comme étant dangereuse. Le Maghreb va connaître une instabilité politique durant les quinze prochaines années, et l’islamisme pourrait devenir un régime politique en Algérie. Plutôt que de penser au nucléaire, l’Algérie devrait davantage s’occuper du problème de la sécheresse, d’autant plus que le nombre d’habitants en Algérie augmente considérablement. »

Alors que les relations entre la France et l’Algérie ne sont pas à leur zénith, le projet Desertec semble profondément agacer Nicolas Sarkozy. Les Allemands se sont placés en première ligne pour accompagner, entre autres, les Algériens dans leur projet de développement d’énergies nouvelles et renouvelables. Le groupe français Areva pense que l’Algérie n’est pas un pays pour le nucléaire et que dans tous les cas il faudrait 15 ans pour arriver à terme de ce projet, affirme M. Matarasso. Mais en ce qui concerne l’industrie solaire, la France a tout intérêt à envisager une coopération autour de la Méditerranée. Les fournisseurs d’électricité français devront aussi se poser les bonnes questions, à savoir si ces projets seront pratiques et économiques pour eux.

L’Algérie est déterminée à vouloir développer de nouvelles énergies. Toutefois, les avis concernant le nucléaire demeurent partagés. Reste à savoir comment et quand le pays donnera naissance à ces projets.
Source http://www.afrik.com/article22850.html

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