Méditerranée - L'Europe face au monde arabe

Hier la Tunisie, aujourd'hui l'Egypte, demain l'Algérie, la Jordanie, le Yémen ? Personne ne peut prédire la direction de la vague de protestations qui a enflé dans le monde arabe depuis la chute du président Ben Ali le 14 janvier.
Ce mouvement aux accents de révolution démocratique, comme l'Europe en a connues au XIX e siècle, a pris par surprise l'Union européenne mais aussi l'Amérique.
Car, en dépit des différences, la position était la même : mieux vaut un régime stable et autoritaire qu'un gouvernement démocratique dominé par les islamistes.
Une attitude qui a encouragé le maintien de régimes de rentiers peu préoccupés par le développement et le sort de leurs populations. Certes, pour les Etats-Unis, il était plus facile d'encourager le départ de Ben Ali de Tunisie car les enjeux étaient plus faibles pour eux que pour les Européens. L'Egypte est d'une autre importance.
Car il s'agit du pays le plus peuplé du monde arabe, qui contrôle le canal de Suez - un des points de passage névralgiques pour le pétrole -, le seul pays arabe avec la Jordanie à avoir reconnu Israël. Et, depuis plusieurs jours, Barack Obama est obligé de faire une révision déchirante de sa stratégie vis-à-vis de l'allié égyptien. Mais l'Europe ne doit pas rester aux abonnés absents.
Certes, elle apparaît souvent dans le monde arabe comme un « petit joueur ». Politiquement, elle n'a pas le pouvoir de peser lourdement. Economiquement, avec de grandes différences de pays à pays, l'Europe ne compte pas beaucoup. Moins de 4 % des investissements directs des pays de l'Union européenne sont destinés aux voisins de la rive sud de la Méditerranée, selon l'institut Ipemed.
On est loin de ce qu'ils ont consacré, après 1989, à l'Europe centrale et orientale ou de ce que les Etats-Unis investissent en Amérique latine. L'Union pour la Méditerranée, chère à Nicolas Sarkozy, a été un échec. Est-ce à dire que l'Europe doit baisser les bras ? Aujourd'hui, à Bruxelles, les Vingt-Sept, avec le chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, se réunissent pour confirmer leur volonté de donner un signal positif à la Tunisie. Ce qui est encore insuffisant par rapport aux aspirations des peuples de l'autre rive de la Méditerranée.
Or l'Europe ne peut manquer ce rendez-vous. Elle avait su se mobiliser après la chute du mur de Berlin. Pourquoi pas aujourd'hui ? L'appel, ce week-end, de David Cameron, d'Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy, à un changement de régime au Caire face aux revendications légitimes des Egyptiens est un premier pas dans la bonne direction. Mais il faut faire beaucoup plus, en compagnie de l'Amérique - et pas comme une rivale -, afin d'aider les peuples à l'après-Ben Ali, et peut-être à l'après-Moubarak.
Par Jacques Hubert-Rodier - www.lesechos.fr - le 31 janvier 2011
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