La Méditerranée, mer de la croissance

Pour les experts réunis dans le cadre de l'Ipemed à Hammamet, il y a quelques jours, c'est de la rive sud de la Mare Nostrum que viendra la croissance. Si le Nord veut bien s'en rendre compte.
Sentiment d'insécurité, repli sur soi, débat sur la burqa : l'Europe, en ces temps de crise, ne semble pas encline à s'intéresser à ses voisins du Sud, les pays de la Méditerranée, et encore moins à s'en rapprocher.
Et pourtant. « La crise, par sa violence, pourrait rapprocher les deux rives de la Méditerranée », avançait Jean Louis Guigou, le président de l'Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed) lors la conférence qui s'est tenue à Hammamet, en Tunisie, au début de la semaine.
Pour éviter le déclin qui fait peur, l'Europe doit s'associer aux pays du sud et de l'est de la Méditerranée, poursuivait-il. Car c'est du sud et de l'est que viendra la croissance européenne.
« Quand l'activité croit de 1% au sud, cela induit une croissance de 0,2 à 0,3% au nord, avance pour sa part Mohamed Ghannouchi, le premier ministre du gouvernement tunisien. Inversement, une croissance de 1% au nord correspond à une progression de 0,4 à 0,6% du Pib des pays du sud et de l'est de la Méditerranée ».
Manque d'intégration
Certes, mais comment faire pour stimuler les échanges, commerciaux, mais aussi technologiques et humains entre les deux rives ? Pour l'heure, ce sont les relations bilatérales qui sont encore privilégiés. A cet égard, les pays de la région sont eux aussi fautifs : leur manque d'intégration entre eux (voir par ailleurs) reste un frein au développement réciproque entre sud et nord.
Ainsi, le commerce intra-régional ne représente que 5% des flux entre pays de la zone sud/est de la Méditerranée. Or, pour convaincre l'Union européenne d'agir vis-à-vis de la Méditerranée, il faut faire la démonstration de l'intégration de la zone méditerranéenne elle-même, précise la députée Elizabeth Guigou, présente à la réunion d'Hammamet.

Une "Alena" euro-méditerranéene
Des idées ont fait surface lors de la conférence pour un rapprochement : elles vont des partenariats dans le développement des énergies renouvelables à des garanties plus grandes aux PME, premières créatrices d'emplois, des transferts de technologies, des échanges d'étudiants dans le cadre d'un Erasmus euro - méditerranéen ou de cadres entre entreprises du nord et du sud, sans oublier la création d'une banque de développement régional. « L'Europe devrait proposer une sorte d'Aléna - un accord commercial préférentiel - à la Méditerranée », estime Jean Louis Guigou.
Les Etats-Unis, liés par l'accord commercial avec le Mexique et le Canada (Alena), affichent des investissements directs étrangers (IDE) de l'ordre de 15% en direction du Mexique, tandis que les IDE en provenance d'Europe et à destination de la rive sud et est de la Méditerranée ne représentent que 3% de la totalité des investissements directs européens.

Ecart de développement
Pour l'instant, l'écart de développement entre les deux rives reste béant. C'est vrai pour le revenu par habitant, plus de quatre fois plus élevé au nord qu'au sud, mais également dans d'autres domaines : la consommation d'électricité est ainsi trois fois moins forte en Méditerranée qu'en Europe.
Et encore, si l'écart est limité, c'est surtout, selon les spécialistes, parce que le modèle de développement est « énergivore » au sud. Le fossé numérique est nettement plus large : le rapport est de 1 à 15 entre nord et sud pour l'accès à internet.

Rivaliser avec l'Asie
Reste qu'en 2030, une union euro-méditerranéenne représenterait près d'un milliard d'habitants. Une entité de taille à lutter à armes égales avec les autres blocs économiques et commerciaux de la planète. « Nous sommes la deuxième chance de l'Europe en matière de croissance et de positionnement dans la globalisation, en particulier face à l'émergence de l'Asie », conclut pour sa part Afif Chelbi, ministre de l'industrie et de la technologie tunisien.

FOCUS: Pax Electrica
Les tensions entre Israël et l'autorité palestinienne auront eu raison d'un sommet de l'Union pour la Méditerranée. Prévu pour le mois de juin, il est reporté à novembre prochain. Quant aux revendications sur le Sahara occidental, elles empoisonnent les relations entre l'Algérie et le Maroc depuis des années.
A l'image de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, lancée au sortir de la deuxième guerre mondiale, afin d'éviter de futurs conflits, les spécialistes de la région méditerranéenne rêvent de liens qui rendraient les parties si dépendantes les unes des autres qu'ils élimineraient toute tension éventuelle. Ils parient pour cela sur l'intégration des réseaux électriques.
L'électricité, difficile à stocker, n'est pas soumise à une demande identique au même moment sur tout le pourtour méditérrannéen. Des lignes courraient donc le long du littoral pour alimenter les réseaux locaux, en fonction de la demande et quel que soit le pays. Investissements dans les infrastructures, accords entre Etats, échanges entre pays : petit à petit, le projet prend forme.
Lysiane J. Baudu - LaTribune.fr - le 30 mai 2010
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