"Il faut écrire une nouvelle page des relations entre l'Europe et le Maghreb"

Jean-Baptiste Buffet répondait ce matin aux questions d'Estelle Poidevin, journaliste et rédactrice politique à la Commission Européenne à Paris.
Jean-Baptiste Buffet est chercheur associé à l'Institut Thomas More, et co-auteur du rapport "Pour une sécurité durable au Maghreb".
Nonfiction.fr - Dans votre rapport, vous appelez à repenser les bases de la coopération entre l'Union européenne (UE) et le Maghreb. Quels sont les enjeux d'un rapprochement entre l'UE et sa rive Sud ?
Jean-Baptiste Buffet- Au lieu de nous intéresser à l'étude de toute la zone méditerranéenne, nous avons voulu nous pencher spécifiquement sur l'un des enjeux euro-maghrébins. Car grâce à sa position géographique, à ses richesses humaines et énergétiques, le Maghreb est devenu une région essentielle pour l'Europe.
C'est une zone sensible en raison des enjeux énergétiques, des défis sécuritaires et politiques et des questions liées à l'immigration, mais elle recèle aussi et surtout un formidable potentiel de croissance économique pour les pays de l'UE.
Il faut que l'UE s'engage aux côtés des pays maghrébins et qu'elle adopte une approche globale afin de mettre en place ce que nous avons appelé dans le rapport "une sécurité durable". L'Europe doit refuser d'adopter une approche uniquement sécuritaire que l'on retrouve parfois dans les décisions des Conseils Justice et Affaires intérieures (JAI) pour privilégier une approche globale : politique et sociale, économique et sécuritaire, bilatérale et régionale. Il est temps d'écrire une nouvelle page des relations entre l'Europe et le Maghreb.
Nonfiction.fr- Vous écrivez que l'Europe est attendue au Maghreb, en a-t-elle pris conscience ?
Jean-Baptiste Buffet- Il y a longtemps eu un déséquilibre. L'Europe était plus intéressée par l'Est que par le Sud pour une raison simple. L'Est avait vocation à intégrer l'UE ce qui n'est pas le cas des pays du Sud de la Méditerranée.
Des pays de l'Union tendent naturellement vers l'Est de l'Europe (l'Allemagne est à ce titre leader), d'autres vers le Sud (la France reste très active) et cela se ressent dans le climat politique quotidien. Les dissensions liées à la mise en place de l'Union pour la Méditerranée (UPM) l'ont bien montré. La logique de pré carré demeure même si elle s'est atténuée. Il faut renforcer la coopération et essayer de traiter sur un pied d'égalité l'Est et le Sud.
La croissance de demain, les emplois de demain sont au sud. L'Europe doit soutenir la coopération régionale entre les pays du Maghreb qui se heurte encore à des tensions entre certains Etats (par exemple la question du Sahara occidental entre le Maroc et l'Algérie, la fermeture des frontières entre les deux pays).
Le défaut de coopération dans la zone, "le non-Maghreb" empêche la mise en place d'une zone de libre-échange en discussion depuis 15 ans. L'Europe doit aider à sa mise en place.
Nonfiction.fr- Vous avez choisi de vous intéresser à la coopération entre les pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Mauritanie, Tunisie, Libye). Quelle est votre appréciation du projet d'Union pour la Méditerranée ?
Jean-Baptiste Buffet- L'UPM devait permettre de redonner un nouveau souffle au processus de Barcelone. Elle est fondée sur de bons principes, a généré de bonnes idées, comme par exemple le principe de la co-présidence entre un pays du Nord et un pays du Sud. Mais était-ce la bonne approche de travailler à 44 pays ?
A l'Institut, nous avons toujours pensé que le niveau sous-régional était le plus pertinent. Il constitue une première étape vers une zone de prospérité euro-méditerranéenne.
La zone euro-meditérannéene n'est en effet pas homogène. Le Maghreb l'est déjà relativement plus. Tout commence par la sous-région.
On voit bien que l'UPM n'a pas fait avancer un seul projet. Il faut à tout prix dépolitiser les structures opérationnelles de l'organisation, car on voit bien que l'échelon ministériel peut être source de blocages. Il faut adopter une approche plus locale. L'UPM doit revoir sa copie pour fonctionner de manière plus souple. Il faudrait considérer le Maghreb comme une problématique à part entière. Cela pourrait favoriser les projets
Par Estelle POIDEVIN - Nonfiction.fr - le 26 avril 2010

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