L'Union pour la Méditerranée subit un coup d'arrêt depuis la guerre de Gaza

Alors que Nicolas Sarkozy doit coprésider, lundi 2 mars à Charm El-Cheikh, avec son homologue égyptien, Hosni Moubarak, la conférence internationale pour la reconstruction de Gaza, la structure même qui avait été à l'origine de ce tandem diplomatique franco-égyptien apparaît au plus mal. L'Union pour la Méditerranée (UPM), lancée de façon spectaculaire par un sommet au Grand Palais à Paris, en juillet 2008, est depuis le mois de janvier "institutionnellement suspendue", victime des retombées de la guerre de Gaza, constatent des diplomates.

L'UPM, vaste regroupement de 43 pays européens, méditerranéens et arabes, avait été créée pour tenter de transformer l'espace méditerranéen en région de "paix et de prospérité" par le biais de réalisations concrètes comme la promotion de l'énergie solaire, le transport maritime, l'éducation.
L'offensive israélienne contre Gaza, qui a provoqué la mort de 1 300 personnes et ravagé ce territoire, a donné un coup d'arrêt à ce projet, frappé de plein fouet par la remontée des tensions au Proche-Orient. A la demande du groupe des pays arabes qui ont signifié leur refus de s'asseoir à la même table que des représentants israéliens, toutes les réunions institutionnelles et techniques de l'UPM, qui étaient prévues à partir de janvier, ont été annulées.
"L'Union pour la Méditerranée est congelée", observe un diplomate non européen. Aucun dégel n'est attendu avant la tenue du sommet de la Ligue arabe prévu fin mars à Doha, au Qatar. "Nous marquons une pause", commente-t-on côté français, "pour préserver les institutions" de l'UPM. Car toute réunion, si elle se tenait, donnerait lieu à un étalage de divisions profondes. Les Français s'efforcent de minimiser la crise et préfèrent souligner que l'Union est un projet au long cours qui ne devrait pas succomber à une suspension de "quelques mois".
La déconvenue vient cependant illustrer à quel point il est difficile pour ce vaste ensemble de s'affranchir des contingences liées au dossier israélo-palestinien. Comme le processus euro-méditerranéen de Barcelone, né en 1995, que l'UPM était censé relancer et intensifier, le projet de Nicolas Sarkozy a violemment buté, six mois après son lancement, sur de lourds problèmes politiques.
La suspension de l'UPM a été demandée formellement par l'Egypte, dans un souci de se montrer à l'écoute des récriminations formulées contre Israël par l'ensemble de l'opinion arabe, après le début des opérations militaires contre Gaza, le 27 décembre 2008.
"Les Egyptiens sont dans une position compliquée au sein du groupe arabe, car d'autres pays les dépassent dans la surenchère de la défense de la cause palestinienne", commente-t-on côté français. "Il faut protéger l'Egypte", qui s'efforce de jouer un rôle de médiation au Proche-Orient.
Déjà prégnante lors des tractations qui avaient précédé le lancement de l'UPM, la crainte, dans le monde arabe, de voir l'Union se transformer en véhicule d'une normalisation des relations avec Israël sans contreparties, est ravivée.
Un pays comme l'Algérie, qui s'était rallié sans grand enthousiasme au projet de M. Sarkozy en juillet 2008, se montre maintenant franchement hostile. "Nous sommes dans l'UPM mais le constat est que cette Union n'avance pas", a déclaré le 25 février le ministre algérien des affaires étrangères devant des journalistes. La presse algérienne est très virulente, parlant de l'UPM comme d'une "chimère" et d'un "vide sidéral".
La Syrie et le Liban ont poussé pour la suspension. La Libye a été la plus cinglante, en déclarant fin janvier que l'UPM avait été "tuée par les bombes israéliennes". Le Maroc, soucieux de préserver ses relations avec l'Union européenne, qui lui a accordé en 2008 le "statut avancé", était en revanche disposé à laisser les réunions de l'UPM se poursuivre.
L'avenir du processus apparaît très incertain. Le règlement des questions en suspens, comme celle de la désignation d'un secrétaire général de l'UPM, apparaît encore plus compliqué. En novembre, à Marseille, une réunion ministérielle de l'UPM avait déjà abouti avec grande difficulté à un compromis pour que la Ligue arabe puisse être représentée au sein de l'Union. En échange, Israël avait obtenu, ainsi que l'Autorité palestinienne, l'un des multiples postes de secrétaire général adjoint. Perçue comme une concession d'ordre politique faite à l'Etat juif, cette décision avait, avant-même le conflit de Gaza, suscité un fort mécontentement côté arabe.
Par Florence Beaugé et Natalie Nougayrède - Article paru le Monde.fr - le 1 mars 2009

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