Union européenne • Bruxelles veut son indépendance énergétique

Au moment où le sommet UE-Russie s'ouvre à Nice, la Commission européenne propose d'unifier les réseaux électriques et de construire de nouveaux gazoducs dans le but à peine voilé de réduire la dépendance de l'Union vis-à-vis de Moscou.
La création d'un superréseau énergétique pour protéger l'Europe de la menace d'un étranglement russe devait être annoncée le 13 novembre. Le projet, tel qu'il apparaît dans un document de la Commission européenne, s'appuierait principalement sur de nouveaux câbles reliant les éoliennes de la mer du Nord et sur un système rassemblant les différents réseaux électriques de la région baltique et des pays riverains de la Méditerranée.
Les membres de l'UE devraient également être sollicités pour financer au moins deux gazoducs ambitieux afin d'importer du gaz d'Asie centrale et d'Afrique. La mise en place d'un système communautaire qui permettrait aux pays de l'Union de partager leurs réserves si la Russie coupait les robinets est par ailleurs envisagée. Les experts estiment que ces deux projets coûteraient des milliards d'euros.
Le plan de sécurité énergétique de l'UE rappelle que l'Europe importe 61 % de son gaz, un chiffre qui, selon les projections, devrait atteindre 73 % d'ici 2020. La Russie vend à l'Union environ 40 % de ce total, et fournit intégralement plusieurs de ses membres. Ces propositions sont formulées à la veille du sommet UE-Russie en France, qui a pour objectif de rouvrir le dialogue sur un accord qui couvrirait les relations économiques et énergétiques, après la crise suscitée par la guerre en Géorgie cet été.
L'Europe doit faire "les premiers pas pour rompre le cycle d'une consommation d'énergie en expansion, d'importations en hausse et d'exportations croissantes de richesses créées dans l'UE pour payer les producteurs d'énergie", explique le document de la Commission.
Sans faire précisément référence à la Russie, le texte ajoute : "Les réserves restantes et les capacités de production se trouvent de plus en plus concentrées entre les mains de quelques-uns. En ce qui concerne l'UE, cela est particulièrement inquiétant dans le secteur gazier, où un certain nombre d'Etats membres sont totalement dépendants d'un seul fournisseur. Des incidents politiques dans des pays fournisseurs ou de transit, des accidents ou des catastrophes naturelles […] rappellent à l'UE la vulnérabilité de ses sources d'énergie immédiates."
Londres soutient la première étape du projet de superréseau, qui vise à relier toutes les éoliennes de la mer du Nord. Le système concentrera l'électricité sur un site centralisé à partir des eaux de plusieurs pays, dont les Pays-Bas, l'Allemagne, la Norvège et le Royaume-Uni.
Les partisans du projet affirment que chaque pays sera ainsi moins dépendant des conditions météorologiques locales pour l'énergie renouvelable, le but étant de remplacer les hydrocarbures russes.
Des connexions de même type devraient être proposées pour la région baltique et la Méditerranée, avec pour objectif à long terme un unique réseau européen. Pour y parvenir, il faudra construire un gazoduc méridional, afin de transporter le gaz d'Azerbaïdjan, et un gazoduc transsaharien pour le gaz du Nigeria.
Mais l'UE se heurte à la rude concurrence de Gazprom, l'énorme conglomérat gazier russe, déjà occupé à négocier avec ces deux pays la livraison de gaz pour des projets rivaux.
Toutes ces mesures correspondent aux intentions de l'UE, qui souhaite accroître son rendement énergétique de 20 % d'ici 2020, réduire ses émissions de dioxyde de carbone de 20 % et que 20 % de son énergie provienne de sources renouvelables, ce que l'on appelle "l"objectif 20-20-20".
La Commission européenne va mettre l'accent sur le caractère crucial des progrès à réaliser dans le domaine de la sécurité énergétique, à cause de la domination russe et des incertitudes économiques entourant les importations. "Ce travail constitue un élément clé de la réaction de l'UE à la crise financière actuelle et devrait donc s'accélérer", peut-on lire dans le document qui accompagne le projet.
David Charter _ The Times - Courrierinternational.com - 13 novembre 2008


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