L'Europe se met à l'heure de la Méditerranée

Nicolas Sarkozy a invité 43 chefs d'État et de gouvernement, dont le Syrien Bachar el-Assad et l'Israélien Ehoud Olmert, pour un sommet inédit qui doit lancer l'Union pour la Méditerranée dimanche à Paris.

Des glaces des rives du Groenland au Danemark aux sables du désert de Jordanie, en passant par la Mauritanie, les dirigeants de 44 pays célèbrent dimanche, sous la nef du Grand Palais à Paris, la naissance de l'Union pour la Méditerranée (UPM). L'accouchement du projet, lancé voici moins d'un an à Tanger au Maroc, constitue l'événement diplomatique majeur de la présidence française de l'Union européenne, qui a débuté le 1er juillet.
Les chefs d'État ou de gouvernement de tous les pays d'Europe et du pourtour méditerranéen ont accepté l'invitation française à l'issue de difficiles tractations. Tous, à l'exception du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Lassé sans doute des jardins parisiens, le «Guide» applique la politique de la tente vide. Il n'a de cesse de dénoncer dans des déclarations au vitriol un projet «effrayant et dangereux », derrière lequel il entrevoit un nouveau moyen pour les Européens de dominer le monde arabe.
«Avoir réussi à mettre presque tout le monde autour de la table est déjà une énorme victoire», répond l'entourage du président français. Placé sous haute surveillance policière, le sommet vaut d'abord pour la présence dans la même pièce de vieux ennemis comme la Syrie et Israël.
Mis en quarantaine par la communauté internationale après le meurtre de l'ex-premier ministre libanais Rafik Hariri, Bachar el-Assad est reçu en grande pompe aux côtés du premier ministre israélien Ehoud Olmert. L'ordre alphabétique choisi pour dresser le plan de table permettra d'éviter un incident de voisinage. Israël est encadré par l'Irlande et l'Italie, deux alliés. Il n'y aura pas de photo de famille officielle, sans doute pour ménager quelques susceptibilités arabes.
Formellement en état de guerre depuis 1948, Syriens et Israéliens ont engagé des pourparlers de paix indirects mais une poignée de main Bachar-Olmert est improbable. En coulisses, le
président syrien s'est entretenu pour la première fois samedi avec le nouveau chef de l'État libanais, Michel Sleimane, en compagnie de l'émir du Qatar, le médiateur arabe dans le conflit intérieur libanais entre pro et antisyriens.
Le président libanais aura été auparavant reçu par Nicolas Sarkozy alors que la formation de son gouvernement vient d'être annoncée. De son côté, Ehoud Olmert va rencontrer le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, pour évoquer un plan de paix toujours dans l'impasse.
En contribuant à normaliser les relations entre les nations du Proche-Orient, Paris espère redevenir un acteur influent dans la région où le rôle de l'Europe s'amenuise. Les séquences israélo-syriennes, libano-syriennes et israélo-palestiniennes focalisent, en tout cas le temps d'un week-end de fête nationale, l'attention sur la capitale française. Une quinzaine de chefs d'État, dont Bachar el-Assad, assisteront au défilé militaire du 14 Juillet.

Inquiétude de la Turquie
En froid avec Paris sur le dossier européen, le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, vient pour éviter une marginalisation de la Turquie qui joue un rôle majeur dans le rapprochement entre Israël et la Syrie. Ankara s'inquiète d'une initiative susceptible de retarder son entrée dans l'UE.
Erdogan évoquera aussi avec Nicolas Sarkozy la situation politique intérieure turque où le parti majoritaire, l'AKP, est menacé d'interdiction par la Cour constitutionnelle. Longtemps réticent, l'Algérien Abdelaziz Bouteflika s'est lui aussi laissé convaincre de venir.
Il côtoiera le roi du Maroc, Mohammed VI, qui participe rarement à ce genre d'événement.
Le volet politique de la déclaration de lancement de l'UPM s'en tient aux grands principes, notamment à propos du conflit du Proche-Orient.
L'idée de base de l'Union pour la Méditerranée est de rééquilibrer les rapports entre l'Europe et les pays de la rive sud de la Méditerranée à partir de thèmes concrets comme la dépollution maritime, l'énergie solaire un thème cher à l'Allemagne ou la sécurité civile. Il est question de créer des autoroutes maritimes, une université méditerranéenne et un programme Erasmus à l'échelle du bassin.
L'UPM, qui se présente comme le laboratoire du codéveloppement, est le prolongement du processus de Barcelone, dont le bilan est mitigé. Il s'en distingue par sa volonté de susciter d'abord des projets puis à chercher des financements en explorant les pistes des fonds privés et des aides des pays du Moyen-Orient.
Après avoir refusé le projet initial français qui était limité aux seuls pays du pourtour méditerranéen, la chancelière Angela Merkel a obtenu que l'UPM revienne dans le giron européen et intègre l'ensemble des vingt-sept pays de l'UE. Au risque de banaliser d'emblée la nouvelle Union.

Thierry Oberlé - Le Figaro.fr - le 13 juillet 2008

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