L'Union pour la Méditerranée : ce qu’en pense la Banque mondiale

Katherine Marshall est conseillère du président de la Banque mondiale et professeur à l’université Georgetown-Washington, participe au congrès international sur l’UPM. Pour elle, cette union doit créer un pont sur la Méditerranée. C’est-à-dire une zone de libre-échange, où les idées, comme les biens et les investissements pourront circuler librement.
- L’Economiste: Si on aborde le volet économique, quel rôle doit jouer l’Union pour la Méditerranée ?
- Katherine Marshall: Au cours des siècles, la Méditerranée a souvent été considérée comme un pont entre ses deux rives. Elle a été le témoin de guerres, mais des villes se sont bâties sur ses rives. Elle a bercé le voyage de nombreux érudits, abrité la ferveur religieuse ou l’ardeur profane, tout comme elle a été le berceau d’une immense créativité artistique. L’espoir que l’Union pour la Méditerranée fasse revivre cette période faste, à un moment où d’aucuns soulignent que les tensions dans la région n’ont jamais été aussi vives, a donc une importance capitale. L’approche multisectorielle prend tout son sens, car les tensions ne s’exercent pas seulement entre les pays et les religions. Les chefs d’entreprise vivent une réalité très différente de celle des érudits et de la jeunesse, influencée par les liens sociaux créés par leurs aînés et qui utilisent rarement les téléphones portables et le fax. Créer une zone de libre-échange, où les idées, comme les biens et les investissements pourront circuler, est une ambition riche de possibilités.

- Selon vous, le projet d’une Union pour la Méditerranée est-il viable sur le plan économique ?
- Le projet consistant à unir les nations au sein de l’Union pour la Méditerranée est particulièrement porteur d’espoir. Il repose sur des bases historiques, sur des peuples «liés par une communauté de destins». Ces peuples se sont malheureusement éloignés les uns des autres. L’ampleur historique des conflits qui les opposent et les tensions qui se concentrent dans cette région nécessitent des réponses multisectorielles. Trouver une espérance commune, bâtie sur des intérêts économiques et sociaux communs, et partager une même approche des problèmes à résoudre et des défis à relever sont les moyens d’avancer dans cette voie.
- On parle de créer une Banque euro-méditerranéenne d’investissement, c’est-à-dire une institution autonome. Quel impact aurait-elle ?
- La construction de l’Union pour la Méditerranée doit passer par des étapes pratiques et nécessite une approche multisectorielle continue. Par exemple, les défis posés par les changements climatiques ne pourront être relevés qu’avec une forte coopération des parties prenantes. Les projets d’énergie solaire peuvent rassembler les entreprises privées, les universités, les manifestations artistiques, la jeunesse. Raviver les liens historiques peut contribuer à éclairer sous un jour nouveau un processus de paix défaillant. Les flux migratoires sont l’occasion de tisser ces liens, pour les familles, comme pour les gouvernements.
- Quelles voies pour réussir ce grand projet ?
- Le succès d’une telle entreprise repose sur son approche créative: transformer les problèmes en occasions favorables, rapprocher le secteur public et le secteur privé, concilier les approches pragmatiques et artistiques, passionner les jeunes comme les moins jeunes...
L'Economiste Quotidien du Maroc - 5 juin 2008

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