Congrès sur l'Union pour la Méditerranée : La crise du Moyen-Orient au premier plan

Pascal Boniface, directeur de l'Iris (Institut des relations internationales et stratégiques), a participé au congrès de Fès sur l'Union pour la Méditerranée (UPM). Il nous livre dans cet entretien ses idées sur ce projet. Pour lui, les différences de culture entre les pays de la Méditerranée ne doivent pas être considérées comme un obstacle, mais plutôt un catalyseur devant stimuler la mise en œuvre de ce projet. Toutefois, la grande source de blocage tient à l'existence de certains conflits politiques qui perdurent
Croyez-vous en une Union pour la Méditerranée malgré les conflits politiques, les différences culturelles, les inégalités économiques, démographiques et les défis écologiques?
PB : Vous évoquez plusieurs facteurs qui pourraient empêcher l'Union pour la Méditerranée de réussir. Ils sont d'ordres différents. Les diversités culturelles ne doivent pas être considérées comme un obstacle, mais comme une raison supplémentaire de mettre en œuvre ce projet. Ces différences ne doivent pas être une source de problème, mais un facteur d'enrichissement mutuel. Nous avons tous à apprendre les uns des autres. Il ne faut pas avoir l'illusion qu'une culture serait supérieure à l'autre. Elles sont différentes. Les inégalités économiques et démographiques sont d'un autre ordre. Si, effectivement, il y a, d'un côté de la Méditerranée, développement économique et ralentissement démographique et, de l'autre, un moins grand développement et une explosion démographique, cela constitue un sérieux problème. L'Union pour la Méditerranée peut apporter des corrections à ces différences en favorisant un développement harmonieux du Sud. Il s'agira aussi de mieux organiser les flux migratoires et de permettre aux pays des deux rives de travailler ensemble pour dégager les synergies et les complémentarités possibles. Quant aux défis écologiques, ils posent des problèmes d'une autre nature.

La question de l'environnement relève de l'intérêt général...
PB :
Effectivement, nous avons tous intérêt à s'occuper de l'environnement. A commencer par la lutte contre le réchauffement climatique pour asseoir les bases du développement durable. Seulement, le respect de l'environnement ne veut pas dire arrêter la croissance, mais la rendre compatible avec les défis écologiques. Comme l'a dit Saint-Exupéry: "La Terre n'est pas un héritage que nous recevons de nos ancêtres, mais un emprunt que nous faisons à nos descendants". S'il y a une pollution en Méditerranée, tous les pays riverains seront atteints sans distinction. Enfin, les conflits politiques, eux, peuvent effectivement, s'ils persistaient, empêcher les progrès majeurs possibles. On a parfois fait un parallèle entre l'Union européenne et la paix. Or, l'Union n'a été rendue possible que grâce à la paix, au demeurant, décidée par les ennemis d'hier. La paix a précédé l'Union pas l'inverse. En Méditerranée, la persistance du conflit israélo-palestinien empêchera l'Union pour la Méditerranée de réussir pleinement.

Comment l'Union pour la Méditerranée peut-elle contribuer à atténuer les conflits existants?
PB : Ce n'est pas l'Union pour la Méditerranée qui peut contribuer à atténuer les conflits existants. Cela relèverait beaucoup plus de la volonté politique des protagonistes et de la communauté internationale. Or, pour le moment, on constate que les protagonistes directs du conflit, Israéliens et Palestiniens, n'arrivent pas à s'entendre et que la communauté internationale ne joue pas son rôle et laisse les parties du conflit (dont la puissance est très inégale) livrées à elles-mêmes.

Ne croyez-vous pas que le projet de l'Union pour la Méditerranée est plutôt motivé par la volonté de combattre le terrorisme? Ce qui empêche l'instauration d'un climat de confiance... Comment dépasser cette situation?
PB : Si la motivation principale ou essentielle pour établir cette Union pour la Méditerranée se limitait à la lutte contre le terrorisme, le projet n'aurait pas un bel avenir. Mais il faut d'abord s'entendre sur la définition de la lutte contre le terrorisme. Chacun y a intérêt. Mais lutter contre le terrorisme pour moi ne signifie pas uniquement mettre en place un dispositif policier et sécuritaire. Il s'agit, avant tout, de penser un dispositif politique. Par exemple, en aidant à la résolution du conflit israélo-palestinien, indéniablement, on lutte contre le terrorisme. S'attaquer aux racines politiques des conflits, s'attaquer à la misère, c'est une façon de lutter contre le terrorisme.

Quels objectifs concrets fixez-vous pour ce projet? Quelles sont vos recommandations pour contribuer à établir une véritable union pour la Méditerranée ?
PB :
les objectifs concrets sont une meilleure coopération sur une base égalitaire entre les riverains de la Méditerranée. Le danger principal est la perpétuation des conflits politiques. Au premier rang, le conflit israélo-palestinien.
Pascal Boniface Directeur de l'IRIS (en collaboration avec Youness Saad Alami -L’Economiste du Maroc, juin 2008

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