Union pour la Méditerranée Les pays du Sud déplorent une consultation entre seuls Européens

L'Union pour la Méditerranée n'en finit pas de faire débat. Le «compromis» franco-allemand a donné l'impression que plus rien n'hypothéquait la naissance du nouveau-né des relations multilatérales. Dans les faits, le chemin est loin d'être entièrement balisé.
D'ici la tenue du sommet constitutif de Paris en juillet prochain, le projet du président français pourrait susciter des avis contrastés.
Un colloque international à Paris en a donné un avant-goût. Des acteurs avertis du monde méditerranéen ont laissé entendre que la partie ne sera pas de tout repos.
Si l'agrément du projet ne fait désormais plus de doute à leurs yeux, des problèmes de différents ordres risqueraient de peser sur les premiers pas du processus. Invités par le «Forum de Paris» à débattre de l'idée chère à Nicolas Sarkozy, des personnalités des deux rives de la Méditerranée ont passé au crible la question sous toutes ses facettes. Les présents s'attendaient à des discussions sur divergences entre européens, le débat a valu par les points de vue de la rive sud.
Peu entendus jusque-là sur l'Union méditerranéenne, les pays du Sud ont profité de la tribune de l'Unesco - institution hôte du Forum - pour donner de la voix.

Premier à intervenir, l'ambassadeur d'Egypte à Paris, Nasser Kamel, a épinglé la manière dont le projet s'est décliné jusqu'à présent. Les pays du Sud «n'ont pas été consultés», s'est-il plaint, le ton dépité. Le diplomate fait allusion au fait que la «consultation institutionnelle», classique dans ce type d'initiatives multilatérales, «n'a pas eu lieu». Sans contester la justesse du projet français, il a regretté une discussion limitée aux Européens qui a confiné les Méditerranéens du Sud dans le rôle de «spectateurs». Le représentant du Caire a également pointé le peu d'intérêt de l'Europe pour la Méditerranée, lui reprochant d'entretenir avec cette région les «relations les moins intenses» au chapitre des rapports Nord-Sud. Il en veut pour illustration le verdict indéniable des chiffres. «L'Europe ne consacre que 3 à 4 % de ses investissements étrangers aux pays du sud de la Méditerranée». Une part insignifiante comparée aux 18 % destinés par les Etats-Unis en direction des pays de l'Amérique centrale et aux 20 % du Japon au profit du Sud-Est asiatique.

L'ambassadeur d'Algérie à Paris égratigne, lui aussi, un projet né d'un «accord négocié exclusivement entre pays européens». Mais plus que cela, Missoum Sbih évoque une certaine illisibilité de l'Union pour la Méditerranée. «On a parfois du mal à saisir sa réelle portée», affirme-t-il. Vu du sud, observe le diplomate algérien, le projet suscite moins d'interrogations par sa finalité que par son contenu et les conditions de sa mise en oeuvre. Les pays du Sud s'interrogent «sur la place et le rôle qu'ils seront appelés à jouer effectivement» dans la nouvelle entité géopolitique.
Affirmant être sur la même longueur d'ondes que son homologue algérien, l'ambassadeur du Maroc, Fathallah Sijilmassi, ne cache pas son irritation de voir l'immigration réduite aux seuls flux clandestins dans les discours européens. «C'est dangereux, charge-t-il. Il est essentiel que nous ayons une vision claire sur la dimension humaine».
Favorable au projet de Sarkozy depuis le début, l'ancien chef de la diplomatie française, Hubert Vedrine, plaide pour une démarche novatrice par rapport au processus de Barcelone. La faisabilité du projet et son évolution dépendront de deux facteurs décisifs à ses yeux : la constitution du secrétariat de l'Union et la gestion des projets. «Si le financement des projets sera tributaire de la seule Commission européenne, une hypothèque pèsera sur le processus», met-il en garde. En dépit des craintes et des réserves émises par les uns et les autres, l'Elysée a bon espoir de mener le projet à bon port.

La présidence française affirme par la voix du conseiller spécial de Sarkozy, Henri Guaino, que le sommet constitutif se présente sous les meilleures auspices. Paris ambitionne de réunir, pour les besoins de la traditionnelle photo de famille, tous les pays concernés : l'Union européenne dans son ensemble, les pays de la rive sud de la Méditerranée. «Je pense que tout le monde viendra», estime le chargé du dossier à l'Elysée.
S. Raouf - Lequotien-oran.com - 1.04.2008

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