Un article toujours d'actualité - L’Europe peut-elle tourner le dos à la Méditerranée ?

A quelques jours de la célébration, les 27 et 28 novembre prochains, du 10ème anniversaire de la première conférence euroméditerranéenne des ministres des Affaires étrangères des pays riverains, dit « Processus de Barcelone », où en est on ?
En effet, ce processus, révolutionnaire, dans le sens qu’il s’agissait du premier texte international ambitieux en matière de politique méditerranéenne est intimement lié au devenir croisé de l’espace communautaire, africain et du MoyenOrient.

Or, malgré les saines ambitions des différents projets portés par ce nouveau dialogue NordSud, autant qu’entre les pays du Maghreb et du Machreck, le « lac de paix » se trouve repris par ses turbulences récurrentes, qu’il s’agisse de l’épineux dossier de la gestion des flux migratoires, le danger des foyers terroristes nourri par les tenants du conflit de civilisation, la menace sur les routes d’approvisionnement énergétique, le risque environnemental, les litiges frontaliers, la question chypriote, le dossier turc et bien évidemment l’inextricable conflit israélopalestinien qui mine la paix depuis plus d’un demi siècle dans la région.
Il est ainsi indéniable que cette situation géopolitique a tendance à placer les pays riverains, notamment ceux de la rive sud, dans une recherche de partenariats plus efficaces à court terme. Le principe de « concurrence libre et non faussée » entre espaces de dialogue et de coopérations serait-il donc en marche ?

Il suffit pour s’en convaincre de constater l’accueil pour le moins chaleureux accordé à Donald Rumsfeld lors de ses dernières visites à Alger et Tunis, afin de « vendre » ses remèdes en matière de lutte antiterroriste…
Sans même parler du soutien clairement affiché de Condolezza Rice à la candidature turque en vue de l’ouverture des négociations d’adhésions à l’UE, qui place dorénavant l’OTAN au coeur de l’avenir politique et sécuritaire de l’espace euromed.
Le sommet d’Istanbul en 2004 est ainsi venu ouvrir une nouvelle ère, faisant de l’Alliance Atlantique un acteur politique incontournable du bassin, et plus seulement pour les questions militaires s’inscrivant dans une volonté ostentatoire d’étendre l’action de l’Alliance de l’Atlantique Nord de part et d’autres du Bassin méditerranéen


Le Dialogue euroméditerranéen est censé être marqué par une solidarité Nord-Sud sans failles de tous les Etats membres de l’UE. Or, force est de constater, hélas, une certaine retenue d’une bonne partie de l’Europe septentrionale et orientale à l’égard de l’agenda méditerranéen des vingt cinq. Ainsi, dans la phase de reconsolidation du projet communautaire autour du binôme franco-allemand, comme beaucoup l’appellent de leurs voeux, il faut d’emblée définir quels peuvent être les leviers partagés d’un intérêt renouvelé des vingt cinq Etats de l’UE en vue d’une relance du dialogue euromediterranéen.


L’année 2006 sera marquée à la fois par l’année de la Méditerranée et celle de la commémoration du centenaire de la naissance de Léopold Sédar Senghor, profitons en pour lier les deux…
La Méditerranée est véritablement le lieu unique de dialogue entre civilisations, et d’échanges entre les principaux espaces humanistes, bien au-delà de la seule dimension linguistique.
Ainsi, à l’instar de la création en 2001, de l’espace 3 EL, regroupant quatre organisations internationales (Communauté des Pays de Langue Portugaise CPLP, Organisation des Etats Ibéricoaméricains OEI, Union latine, Organisation Internationale de la Francophonie OIF), la réflexion sur la cohésion sur le bassin de vie méditerranéen mérite aux yeux de nombreux observateurs un légitime débat quant à la création d’une structure ad hoc, qui pourrait être intégrée aux institutions européennes existantes, pour être adaptée à la spécificité du pourtour méditerranéen.

Cette prise en compte de la Méditerranée, dans sa réalité africaine, européenne et asiatique, sous forme d’un lieu d’échanges, de débats et de coordination de l’aide au codéveloppement, liant les pays du Machreck-Maghreb, concrétiserait aussi un espace de dialogue manquant entre pays arabes et Israël, ce que l’Umma aurait pu être, sous la forme d’un « marché commun du Levant », si la paix avait été effective…


Les 21 Etats riverains de la Mare Nostrum composent ainsi un cadre de civilisation commun qui mérite une attention particulière. C’est bien là un combat de civilisation à construire ensemble entre démocrates du Nord et du Sud du bassin.
Par Emmanuel DUPUY, Secrétaire général de l’Institut Prospective et sécurité en Europe(IPSE)

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