L'Union pour la Méditerranée rentre dans le rang européen

Les Vingt-Sept ont accepté de soutenir une version très édulcorée de la "vision" méditerranéenne chère à Nicolas Sarkozy. A l'issue de la première journée de leur sommet de Bruxelles, jeudi 13 mars, les homologues du chef de l'Etat français ont accepté de rebaptiser "Union pour la Méditerranée" le processus de Barcelone, qui encadre sans grand succès depuis douze ans les échanges entre l'Union européenne et les dix pays de la rive sud.
"La décision a été prise dans un grand enthousiasme", s'est flatté M. Sarkozy, lors d'une conférence de presse tenue après le dîner des chefs d'Etat et de gouvernement, en estimant qu'il s'agissait d'un "compromis".
"Nous avons simplement pris acte de la nécessité de relancer le processus (de Barcelone). Le moment est venu de le réévaluer", a acté plus sobrement le premier ministre slovène, Janez Jansa, dont le pays assure la présidence de l'Union ce semestre, tandis que la chancelière allemande, Angela Merkel recadrait une nouvelle fois l'initiative française : "Il s'agit du même instrument, et nous devrons nous assurer que les fonds sont correctement utilisés."

Avant de contraindre l'Elysée à réduire ses ambitions, début mars, Mme Merkel ne voulait pas entendre parler d'une initiative susceptible, à ses yeux, de semer la division au sein de l'Europe, et demandait d'associer l'ensemble des Vingt-Sept au projet défendu par Henri Guaino, le conseiller spécial du chef de l'Etat.

Dans le discours de Tanger, au Maroc, où il avait dévoilé ses intentions le 23 octobre 2007, M. Sarkozy avait invité les seuls Etats riverains à créer "une Union politique, économique, et culturelle fondée sur le principe d'égalité stricte entre les nations d'une même mer". "Dans l'esprit de la France, l'Union de la Méditerranée ne se confondra pas avec le processus" de Barcelone, avait précisé M. Sarkozy, déclenchant les critiques de nombreuses capitales et de la Commission européenne.
S'expliquant dans la nuit, le chef de l'Etat a tenté de faire contre mauvaise fortune bon coeur. "Honnêtement, je ne vois pas ce à quoi nous avons renoncé", a-t-il dit, "l'idée doit être très forte pour que tout le monde veuille y participer". Il a aussi reconnu que "tous les problèmes ne sont pas réglés ce soir".

Secrétariat "léger"
En guise de compromis, la France et l'Allemagne ont proposé que l'Union pour la Méditerranée soit ouverte à tous, et dotée d'un secrétariat "léger" d'une vingtaine de personnes.

La présidence du projet sera assurée conjointement par deux ressortissants, du Nord et du Sud, originaires de pays riverains de la Méditerranée. Les contours du secrétariat, qui pourrait être installé à Barcelone, selon les Français, continuaient de susciter des critiques jeudi soir, en particulier de la part de la Commission et de ses alliés dans cette affaire.

"Si les institutions envisagées n'entrent pas en conflit avec celles qui existent déjà, je ne verrais pas pourquoi nous ne lancerions pas la démarche", a prévenu le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker.
Prudents, les Français se sont gardés de préciser leurs vues en matière de projets concrets et de financements, deux questions qui devraient alimenter les débats avant le sommet de lancement, prévu le 13 juillet à Paris. L'ensemble des Vingt-Sept et des dix pays de la rive sud seront invités à cette rencontre, alors que l'idée initiale était de procéder en deux temps pour ne commencer qu'avec les seuls riverains.

"Ce qui est important, c'est que c'est un projet européen : nous ne ferons pas un barbecue pour quelques Etats membres seulement", a ironisé le chancelier autrichien, Alfred Gusenbauer.

Journal Le Monde. 15.03.2008 - Thomas Ferenczi et Philippe Ricard

Aucun commentaire: